L’autre French Touch

 L’autre French Touch

crédit photo : FIFF/Yoann Corthesy


“Double Vague”, un premier livre rempli de témoignages sur la nouvelle génération de cinéastes français marqués par leur double culture. 


Derrière le succès de films comme Intouchables ou Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? se cachent deux enseignements. Le premier est que la comédie est un genre qui réussit bien, en termes de résultats au box-office, au cinéma français. Le second est que la prise en compte d’une société française cosmopolite est en marche. Certes, les deux exemples cités ne sont pas forcément les plus appropriés pour parler d’une nouvelle vague du cinéma français, mais ils sont néanmoins le reflet de secousses à l’œuvre dans un milieu réputé fermé et inaccessible.


Dans Double Vague, la journaliste Claire Diao, dresse le portrait d’une génération qui, pendant une décennie, a tenté d’affronter la citadelle cinéma. Elle émerge en 2005 durant les émeutes des banlieues. Cet événement politique tellurique va accélérer la mise en place d’un système facilitant l’accès aux aides et aux écoles de cinéma pour les personnes issues des quartiers populaires. En 2007, à partir de l’ancien Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) le Centre national du cinéma (CNC) crée le fonds Images de la diversité. Dans le même temps, la Femis (école nationale supérieure du cinéma) ouvre un programme pour l’égalité des chances.


 


Un parcours semé d’embûches


Par l’accumulation des témoignages, le livre permet surtout de prendre conscience de l’ampleur des efforts à fournir par celui qui désire faire carrière dans le septième art. Le parcours est semé d’embûches, tout particulièrement si l’on est issu d’un environnement populaire. Entre la difficulté à imposer ses sujets, à trouver des financements, à se créer un réseau et même tout simplement à connaître les codes de cet univers policé, les défis à relever sont immenses. Si grands qu’on mesure l’exploit réalisé par Djinn Carrénard (Faire l’amour), Adnane Tragha (600  euros), Rachid Djaïdani (Tour de France) ou encore Carine May et Hakim Zouhani (Rue des Cités), d’avoir porté leurs œuvres à l’écran.


Double Vague décrit bien les énergies déployées par ces personnalités, et bien d’autres, pour se frayer un chemin, leurs renoncements parfois, leurs victoires. Il s’intéresse également à la figure pivot et ambiguë de Luc Besson (parrain du “film de banlieue”) et surtout à l’économie de moyens qui doit être mise en œuvre (l’autoproduction est souvent une nécessité).


 


L’argent des salles obscures


L’argent. Le nerf de la guerre. La production hexagonale connaîtra un second souffle “pour des raisons purement économiques”, soutient Claire Diao. Car le public des salles obscures est principalement jeune. Il aime les productions américaines et la diversité de ses personnages, auquel il s’identifie. En somme, en se coupant de toute une génération, le cinéma français risque de sombrer. L’urgence de survie lui imposerait donc, à plus ou moins court terme, de faire autrement. La règle économique est la seule qui vaille. A cette aune, le cinéma, plus que jamais, reste malgré lui un miroir du monde contemporain. 


 


DOUBLE VAGUE



Le nouveau souffle du cinéma français, de Claire Diao, éditions Au Diable Vauvert, 354 p., 20 €.