Cinéma. Hayat contre vents et marées

 Cinéma. Hayat contre vents et marées

Polaris, un documentaire long métrage de Ainara Vera, en salle le 21 juin 2023.

Tenir le cap et trouver sa voie même quand la vie malmène. Voilà la belle leçon qu’offre Polaris, documentaire de Ainara Vera qui brosse le portrait de Hayat, capitaine d’un bateau et de sa vie. Sortie, le 21 juin 2023.

Quel chemin prendre quand on est perdu ? Hayat, l’héroïne de ce documentaire, a choisi. Ce sera l’étoile polaire, celle qui donne son titre à ce film signé Ainara Vera. Dès les premières séquences le spectateur est plongé dans un paysage laiteux entre ciel et mer, ne sachant jamais où commence l’un et où finit l’autre. Balloté entre les flots et les eaux, où Hayat, fuyant la France et son douloureux passé, a trouvé refuge en tant que capitaine d’un navire.

Son histoire nous est racontée par bribes, à travers les conversations téléphoniques avec sa sœur restée, elle dans le sud de la France. Cette dernière vient tout juste de sortir de prison et s’apprête à donner naissance, et peut-être renaître à son tour.

C’est un double portrait, tout en pudeur, de ces deux sœurs que nous livre la caméra, jamais voyeuse,  de la réalisatrice espagnole Ainara Vera. Mais surtout celui de Hayat. Qu’est partie chercher dans le froid du Grand Nord cette fille d’immigrés native de Montpellier qui ne trouvait pas de « sens à sa vie » ? « Mon attirance pour le Groenland vient du fait que c’est une grande île et qu’on peut très bien ne rencontrer personne pendant longtemps. Naviguer dans ces eaux exige beaucoup de concentration. Pour moi, ce fut une forme de thérapie et de méditation », confie-t-elle par téléphone depuis l’Islande où elle est désormais établie.

Briser le cycle familial

Ce qui l’a le plus marquée en arrivant au Groenland ? « L’accueil… Je suis née en France de parents originaires d’Afrique du Nord. J’ai connu le racisme et un tas de choses qui m’ont blessée quand j’étais plus jeune. Je ne me suis pas souvent sentie la bienvenue. Et quand à 26 ans, j’arrive au Groenland, je me sens à la maison en fait. Les paysages sont merveilleux bien entendu mais sans les Groenlandais cela n’aurait pas été la même expérience. J’ai reçu beaucoup d’amour là-bas. On était content de me voir et je n’étais pas habituée à cela », poursuit Hayat, l’aînée d’une famille de trois enfants aux yeux desquels elle s’impose d’être une source d’inspiration, d’autant plus que les parents étaient défaillants.

Mais comme tout parcours initiatique celui de cette femme qui prend la mer est semé d’embuches. A ses débuts, en tant que matelot, on voudrait la cantonner aux corvées traditionnellement dévolues aux femmes (ménage et cuisine). Un capitaine lui lance que pour dormir elle a le choix entre sa cabine à lui ou le ponton. A l’époque, elle travaille aux Antilles et une nuit à la belle étoile ne lui fait pas peur. Ce harcèlement, loin de la démotiver, booste son envie d’avancer et de changer les choses. Elle se dit que pour ne plus avoir à subir les remarques tantôt racistes tantôt misogynes, il faudrait qu’elle devienne elle-même capitaine. Elle décide alors de suivre une formation, d’enchaîner les missions. Aujourd’hui, la mécanique d’un bateau n’a plus de secret pour elle et désormais elle est seule maître(sse) à bord. Polaris brille donc comme une lueur d’espoir au bout de la nuit.

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