En attendant les hirondelles : le printemps à venir

 En attendant les hirondelles : le printemps à venir

crédit photos : Hichem Merouche


Passionné par l’analyse des moments critiques de l’histoire, le réalisateur Karim Moussaoui poursuit son travail de radiographe de la société algérienne. 


Difficile pour un film algérien de ne pas être rattrapé, à un moment ou à un autre, par l’histoire. Il s’agit presque d’un passage obligé tellement l’Algérie reste marquée par un passé aux soubresauts multiples et douloureux. Rien d’étonnant, donc, à ce que En attendant les hirondelles, le premier long-métrage de Karim Moussaoui, entremêle plusieurs histoires, plusieurs fils narratifs, où la trajectoire de vie des personnages entre en résonance avec celle de leur pays.


 


D’une histoire à l’autre


On y suit un homme d’affaires dont on devine la déchéance à travers ses relations sentimentales et son apathie face à l’adversité ; une jeune femme et un jeune homme dont les retrouvailles sont marquées par ce qui les sépare malgré eux ; un médecin confronté au retour d’une femme dont il a préféré, pour sa survie, oblitérer l’existence. Corruption, misère sexuelle et ­refoulée, violence ; avec un tel tableau, on pourrait s’attendre à une vision un peu schématique de la société ­algérienne, mais le film est bien plus que cela.


Déjà, dans son œuvre précédente, Les Jours d’avant, un moyen-métrage sorti en 2015, Karim Moussaoui envisageait deux points de vue sur une histoire d’amour d’avant la guerre civile. A nouveau, ici, le passage d’une histoire à l’autre s’enchaîne avec une aisance surprenante : un personnage est abandonné ou mis de côté pour permettre, dans une même scène, le passage de ­relais à un nouveau protagoniste et poursuivre ainsi le récit à la manière d’un cadavre exquis.



Fulgurances inattendues


Avec un tel parti pris, la performance des acteurs est primordiale. Happés par l’intensité d’interprétation, les spectateurs en oublient la mise en scène pour se plonger dans les méandres émotionnels et psychologiques des personnages. Et le réalisateur se permet quelques magnifiques fulgurances inattendues, qui envoient valdinguer, dans un même élan, bienséance esthétique et contrition morale. Comme cette scène où un orchestre surgit de nulle part se met à jouer face caméra, un peu à la manière d’un chœur antique qui commenterait l’action. Reste aussi le souvenir impérissable d’une très belle scène de danse qui s’étire jusqu’à épuisement de l’ivresse. Une suspension du temps que seules les ­pulsions de vie face à toutes les machines de mort sont capables d’engendrer.


L’hirondelle ne fait pas le printemps, mais tout espoir n’est pas perdu ; et ces oiseaux qu’on attend arriveront peut-être avec dans leur bec… une révolution. 


MAGAZINE NOVEMBRE 2017



Une production France-Allemagne-Algérie-Qatar de Karim Moussaoui, avec Mohamed Djouhri, Hania Amar et Mehdi Ramdani. Durée : 1 h 53.