Autant en emporte le vent

 Autant en emporte le vent

© Pamela Pianezza


Un premier film délicat sur le parcours initiatique et existentiel d’un jeune homme atteint de cécité à la recherche de son passé à travers le Liban contemporain. 


Derrière le désastre de la situation politique du Proche-Orient, qui semble infini, se cachent des histoires intimes sur lesquelles le cinéma, par sa puissance d’expression, agit comme un révélateur. Dans Tramontane, le réalisateur libanais Vatche Boulghourjian choisit ainsi la métaphore pour parler de son pays et de la guerre.


 


Réalité fragmentée


Le film commence lorsque Rabih, jeune chanteur aveugle, tente d’obtenir un passeport pour pouvoir se rendre à l’étranger afin de se produire en concert. Se heurtant au refus de délivrance du document au prétexte que son extrait d’acte de naissance est un faux, Rabih comprend qu’on lui a menti sur ses origines. Ses parents adoptifs lui avouent alors l’avoir recueilli lorsqu’il était petit, pendant la guerre civile. Et Rabih de partir sur les traces de son passé à la quête de son identité.


A travers son héros, le réalisateur propose une radiographie éclairante de la situation actuelle. En effet, au gré des pérégrinations de Rabih – ses rencontres avec une tante, un voisin ayant connu ses parents, un ancien militaire… – on découvre une réalité fragmentée où les points de vue s’achoppent pour rarement se rencontrer. Comme si la guerre avait littéralement fait exploser le récit commun d’une nation constituée pour se recomposer en une multitude incapable de se reconnaître à nouveau.


 


Violence refoulée, enterrée


Avançant à petits pas feutrés, parfois même donnant l’impression de tourner en rond, Tramontane sait pourtant se donner une ligne directrice sur la crête d’une violence refoulée, enterrée, oubliée. Celle, forcément taiseuse parce qu’innommable, de la guerre civile. Si le film semble presque classique dans sa réalisation, il sait toutefois aussi jouer sur le ressenti du handicap de son personnage. Par l’utilisation parcimonieuse du clair-obscur dans sa photographie, par une mise en scène qui choisit parfois de mettre son personnage à l’écart de secrets qu’on ne veut lui révéler, derrière une porte ou un mur, Tramontane donne le sentiment au spectateur d’être lui-même concerné par cet aveuglement généralisé.


Mais la grande idée du réalisateur est surtout d’utiliser la musique comme un vecteur d’unification culturelle. Le fait que Rabih soit chanteur et, qu’à sa manière, il tente de recoller les morceaux de sa propre histoire en la sublimant par la force de son art, reste un message d’une belle universalité dont la dernière scène témoigne de façon poignante. 


 


Tramontane



Un film libano-franco-qatari-emirati de Vatche Boulghourjian. Avec Barakat Jabbour, Julia Kassar et Toufic Barakat. Durée : 1 h 45.


MAGAZINE FEVRIER 2017