ABDULHAMID JUMA : “Il faut développer une culture du cinéma arabe”

 ABDULHAMID JUMA : “Il faut développer une culture du cinéma arabe”

Crédit photo : DIFF


MAGAZINE DECEMBRE 2017


Rampe de lancement pour nombre de productions arabes, le Festival international du film de Dubaï est devenu un rendez-vous incontournable. A l’aube de sa 14e édition, son président nous éclaire sur les enjeux qui animent le cinéma arabe aujourd’hui.


Comment se porte le cinéma arabe aujourd’hui ?


Depuis que nous avons lancé le festival, en 2004, nous assistons à une croissance remarquable de la production cinématographique arabe, avec des standards de plus en plus élevés à chaque édition. Les films reçoivent un accueil enthousiaste aussi bien de la part du public que des médias, et par conséquent, on les voit de plus en plus plébiscités par les salles de cinéma. Malgré cela, nous sommes encore loin du succès espéré en raison du manque de soutien, notamment financier.


 


Le Festival international du film de Dubaï est un tremplin extraordinaire pour la diffusion de ce cinéma dans le monde…


C’est vrai. Les cinéastes arabes prennent de plus en plus d’importance dans les grands festivals internationaux. Au fil des ans, nous avons lancé de nombreux projets visant à dénicher de nouveaux talents afin de toucher de nouveaux publics. Les Muhr Awards (31 prix décernés par le festival, ndlr) permettent de valoriser la production arabe sur la scène mondiale. La compétition est de plus en plus passionnante au fil des éditions, les ­réalisateurs repoussant sans cesse leurs ­limites. Soutenir des artistes talentueux, enthousiastes et engagés, qui racontent des histoires de façon unique, est l’un des éléments les plus gratifiants du festival.


 


En 2007, vous avez aussi lancé le Dubaï Film Market…


Nous l’avons créé afin d’accroître la visibilité du cinéma arabe dans la région et au plan international. Quelque 300 projets ont ainsi été soutenus. Nous ­montrons ces films dans des lieux prestigieux, comme l’Arsenal, à Berlin ; l’Arab British Centre, à Londres ; le Lincoln Center, à New York ; et bien entendu au Marché du film de Cannes. Depuis 2016, nous présentons aussi deux œuvres arabes, que nous considérons comme exceptionnelles, à l’Association hollywoodienne de la presse étrangère (HFPA), dans le cadre des Golden Globe Awards. Nous avons le sentiment que le cinéma arabe commence réellement à s’installer, avec de plus en plus de films primés dans les festivals internationaux, et gagnant même des publics qui n’y prêtaient guère d’attention auparavant. Nous sommes fiers.


 


Les cinéphiles arabes aiment-ils le cinéma arabe ?


Bien sûr. Ils apprécient les films qui dépeignent leur culture. Ils ne veulent pas seulement être divertis, ils espèrent enrichir leur connaissance des territoires. Il y a pour nous le défi constant de créer une culture du cinéma arabe dans cette région. Il est vrai que les distributeurs ont tendance à être frileux à l’idée de sortir ce genre de productions, car ils ont besoin de s’assurer que le public sera au rendez-vous pour ouvrir des salles et faire des profits. Par conséquent, ils misent plutôt sur des œuvres venues de Hollywood ou de Bollywood. Mais avec le temps, nous espérons pouvoir porter un plus grand nombre de ces films sur grand écran.