« Allumer le feu », par Donald Trump

 « Allumer le feu », par Donald Trump

Crédit Photo Frank Ferville pour le Courrier de l’Atlas


MAGAZINE JANVIER 2018


L’écrivain Mabrouck Rachedi croque l’actualité. Ce mois-ci, l’auteur de “Tous les hommes sont des causes perdues” revient sur la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël 


Onze minutes. C’est le temps qu’il a suffi à Donald Trump pour allumer une étincelle dans la poudrière du Moyen-Orient. Le 6 décembre, dans un discours inflammable, à défaut d’être enflammé, il a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et annoncé le déménagement de l’ambassade américaine, actuellement située à Tel Aviv. Alors que les réseaux sociaux moquaient son élocution heurtée, il a invoqué sa “gorge sèche” pour excuse. C’est aussi peut-être pour cela qu’il n’a jamais prononcé les mots tabous de “Palestine” ou “d’Etat palestinien”. Multipliant les grandes déclarations sur l’amour que l’on doit aux générations futures, il a prôné une solution à deux Etats avec la mauvaise foi ou l’inconscience de l’éléphant dans un magasin de porcelaine qui fait l’éloge de la délicatesse en saccageant la marchandise.


 


La fin de l’hypocrisie américaine


Pourtant, cette décision ne devrait pas surprendre, car elle ne fait que mettre en œuvre une loi votée par le Congrès américain en… 1995. Les prédécesseurs de Donald Trump ont repoussé l’application du Jerusalem Embassy Act à coups de reports tous les six mois. Le 45e président américain a donc mis fin à l’hypocrisie d’une diplomatie dilatoire, recueillant la réprobation du monde entier à l’exception de deux pays : le sien et Israël. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a savouré ce “jour historique” qui conforte sa coalition gouvernementale composée, entre autres, des partis d’extrême droite Le Foyer juif et Israel Beytenou.


242, 338, 446, 452, 465, 476, 478, 1397, 1515, 1850… Ce ne sont pas les numéros du Loto mais quelques-unes des résolutions de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien depuis 1967. Comme celles qui accompagnent les vœux de début d’année, elles se sont heurtées au mur de la réalité. Dans la dernière – la 2334, datant du 23 décembre 2016 –, le Conseil de sécurité souligne qu’“il ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations”. En moins d’un an, le monde a radicalement changé avec l’élection de Trump, et les numéros risquent de continuer à s’empiler dans la loterie désenchantée des illusions des partisans de la paix.


 


Douter d’une paix prétendument souhaitée


La nouvelle intifada souhaitée par le Hamas n’a pas (encore ?) eu lieu mais une escalade de violence prévisible a secoué la région. Le sang a encore coulé et on se permet de douter de la paix durable prétendument souhaitée par Donald Trump en empruntant certes une voie nouvelle mais hautement improbable. Il faudrait partager l’optimisme fou d’un guide de montagne qui, lassé de voir son groupe d’alpinistes échouer à gravir une colline, leur proposerait d’escalader l’Everest pendant la saison des avalanches pour expérimenter une méthode inédite.


On profitera de cette tribune pour faire un pas de côté en évoquant Salah Hamouri. Le Franco-Palestinien de 32 ans est en détention administrative depuis le 23 août, soit déjà plus de cent jours. “L’utilisation abusive et systématique” de cette disposition administrative porte atteinte “au droit à un procès équitable et aux droits de la défense”, selon les termes du ministère des Affaires étrangères français. Voilà le tout nouvel avocat au barreau palestinien face à l’arbitraire après une première condamnation dans des conditions très contestables qui lui a valu la prison de 2005 à 2011. On lui souhaite de passer une nouvelle année en famille, dans une Jérusalem œcuménique et pacifiée. On veut rêver sinon noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir, comme le chantait l’icône disparue Johnny Hallyday.