Chine : une tournée européenne hantée par Hong Kong et les Ouïghours

 Chine : une tournée européenne hantée par Hong Kong et les Ouïghours

Le Président français Emmanuel Macron et le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi, le 28 août 2020 à l’Elysée @Ambassade de Chine en France

À l’heure où l’image de la Chine s’est sensiblement ternie dans les opinions publiques, le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi s’est lancé dans une tournée européenne d’une semaine, entamée en Italie le 25 août, passant par les Pays-Bas, la Norvège et la France, pour finir le 1er septembre en Allemagne. Entre la loi répressive de sécurité nationale imposée à Hong Kong et l’outrage commis à l’encontre de la communauté ouïghoure au Xinjiang, cette visite a été loin de faire l’unanimité.

La réputation de la Chine en Occident est vraisemblablement au plus bas. Pour cause ? La gestion controversée du pays face aux premiers signes de la pandémie Covid-19, la promulgation de la nouvelle loi sur la sécurité nationale qui menace et réprime les libertés des Hongkongais et l’autonomie de la région, et enfin, la  politique génocidaire assénée à la communauté minoritaire turcophone et musulmane du Xinjiang, les Ouïghours.

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Une atmosphère de protestation 

C’est dans ce contexte que M. Wang Yi a entrepris sa tournée, appelant les pays européens à mettre un terme à l’état d’esprit « guerre froide » encensé par les Etats-Unis, et a plaidé pour le renforcement du dialogue stratégique, commercial et économique sino-européen. Mais le voyage diplomatique s’est avéré plus compliqué que prévu. Les homologues du diplomate  chinois ainsi que nombre de politiciens, d’Hongkongais exilés en Europe, de membres de la communauté ouïghoure, et plus largement de défenseurs des droits de l’Homme ont élevé la voix à l’arrivée de l’homme politique chinois et ont dénoncé les violations des droits humains qui sévissent actuellement dans le pays. En Italie, le président du Conseil des ministres, Giuseppe Conte, n’a même pas reçu M. Wang Yi.

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Une France moins expressive

Aucun mot sur la situation des Ouïghours, ni sur Hong Kong, n’a été prononcé publiquement par Emmanuel Macron, alors qu’il recevait personnellement à l’Elysée, le vendredi 28 août, le ministre Wang Yi. Pourtant, en amont de la rencontre, le sénateur LREM André Gattolin, vice-président de l’Alliance inter-parlementaire sur la Chine (IPAC), qui regroupe des dizaines de députés du monde entier, avait annoncé : « Nous allons publier un communiqué adressé au président pour qu’il dénonce les violations des droits de l’homme par la Chine sur ces territoires ». 

Pas de conférence de presse non plus après que le ministre des Affaires étrangères chinois se soit entretenu le lendemain avec son homologue français Jean-Yves Le Drian, au Quai d’Orsay. À la place, un communiqué publié sur le site de la diplomatie française mentionne brièvement que « le ministre a rappelé les graves préoccupations de la France quant à la dégradation de la situation des droits de l’homme en Chine, en particulier à Hongkong et au Xinjiang ». Le mois dernier, le ministre des affaires étrangères français avait condamné avec beaucoup de fermeté « des détentions massives, des disparitions, travail forcé, des stérilisations forcées, la destruction du patrimoine culturel Ouïghour et en particulier des lieux de culte, la surveillance de la population et plus globalement tout le système répressif mis en place dans cette région ». Jean-Yves Le Drian avait aussi réclamé « l’accès d’observateurs indépendants internationaux au Xinjiang, où la situation des Ouïghours est préoccupante ».

Dimanche, 30 août, une conférence-débat a été organisée avec Wang Yi à l’IFRI, dont la façade a été taguée la veille « Stop au génocide des Ouïghours », et aussitôt recouverte. À cette occasion, l’eurodéputée et ex-ministre des affaires européennes Nathalie Loiseau a pu interpeller l’homme politique chinois sur Hongkong et le Xinjiang, lequel s’est empressé de se justifier à coups de statistiques.

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Colère sur la toile

Sur les réseaux sociaux, les défenseurs de la cause ouïghoure ont vu rouge. Sur son compte Instagram, la Présidente de l’Institut des Ouïghours d’Europe, Dilnur Reyhan, a écrit : « Au moment où une nation est en train d’être éradiquée par une puissance fasciste, le Président d’un grand pays de droits humains, des Lumières reçoit le représentant de ce régime génocidaire comme si de rien n’était, pour parler de business. Notre président n’a jamais prononcé le mot Ouïghour et n’a jamais voulu parler de ce génocide. C’est inadmissible, inconcevable et inhumain. C’est une honte. » La colère n’a pas tardé à monter d’un cran lorsque l’ambassade de Chine en France a publié une photo du Président français posant souriant avec le diplomate chinois. Dans une vidéo publiée sur Twitter, l’eurodéputé Raphaël Glucksmann n’a pu cacher sa rancoeur : « Jeudi nous avons appris que le régime chinois avait construit 268 nouveaux camps de concentration. Et vous voici, le lendemain, hier, posant tout sourire avec le ministre chinois des affaires étrangères. »

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Une politique revendiquée par Macron

Samedi, l’agence de presse Reuters a rapporté que le président français Emmanuel Macron a exprimé « ses vives préoccupations » concernant le respect des droits de la minorité musulmane ouïghoure et de la situation à Hong Kong, lors de l’entretien à huit clos avec Wang Yi. Cette information vient conforter un parti pris du Président français, déjà exprimé en 2018 lors d’une visite en Chine : « Il y a des différences entre nous qui sont liées à notre histoire, à nos philosophies profondes, à la nature de nos sociétés », avait-il expliqué lors d’une déclaration aux côtés du Président chinois Xi Jinping. « Je peux me faire plaisir en donnant des leçons à la Chine en parlant à la presse française. Ça s’est beaucoup fait, ça n’a aucun résultat », avait-il déclaré à des journalistes lors du même séjour. Avant le voyage, l’Elysée avait annoncé que la question des droits de l’Homme allait être abordée par Emmanuel Macron, mais en privé. « Je crois à la diplomatie du respect réciproque. […] Il y a les discussions, pas devant les journalistes, pas de manière ouverte, en tête-à-tête, et qui peuvent être utiles et donner des résultats. C’est celles-là que je favorise », avait déclaré le chef d’Etat français.

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