Un article à propos d’une « Algérie made in France » passe mal

 Un article à propos d’une « Algérie made in France » passe mal


Alors que l’échéance de la finale de la Coupe d’Afrique des nations approche à grands pas, sous forme de revanche Algérie VS Sénégal, un article de nos confrères du Parisien titré « Coupe d’Afrique des nations : une Algérie « made in France », ne passe pas, particulièrement auprès du lectorat maghrébin. Décryptage.


Aussitôt publié ce matin, l’article en question fait grand bruit sur les réseaux sociaux. La plupart des réactions sont outrées.


« On n'est jamais autant Français que lorsque notre valeur marchande augmente. Donc, cet article pour rappeler que les joueurs de la sélection algérienne sont Français. Fichtre ! Moi qui croyais qu'ils étaient indigènes », écrit ainsi Houria Beteldja.


« Ce sont des individus originaires du Maghreb lorsqu’il s’agit des terroristes, mais made in France quand ils réussissent… quelle ironie ! ». « Paternalisme et nostalgie coloniale » Peut-on également lire sur Twitter, entre des flots d’insultes dirigés contre la presse française en général.


« Exit les polémistes inutiles qui voient un esprit colonial dans un article purement factuel: 3/4 des Fennecs sont binationaux, ont été formé et ont évolué en France, qui a grandement contribué à leur haut niveau (formateurs, techniques, infrastructures) », rétorque cependant une internaute.


 


Précautions oratoires  


Simple maladresse de la part de l’auteur Arnaud Detout, dédain décomplexé, chauvinisme, ou manque de tact du point de vue de la réception, étant donnée l’histoire sensible des deux pays ? Pour comprendre l’esprit ou les éventuelles intentions de l’article en question, il convient de s’attarder sur sa structure et son contenu.  


L’intro consiste en un rappel en apparence factuel : « Les Fennecs, qui vont tenter de briguer un deuxième sacre continental ce vendredi face au Sénégal, sont composés en grande majorité de binationaux. » Une information là aussi contestée cependant sur Twitter :


« Ce qu'il faut pas lire surtout quand sur le 11 titulaire à peine la moitié sont binationaux et que sur le 23 total il n'y a que 9 binationaux ».


Mais plus loin, l’auteur précise que « En demi-finale contre le Nigeria (2-1), sept des onze titulaires des Fennecs possédaient ainsi la double nationalité franco – algérienne. »


Ensuite, chaque fois qu’il s’agit de procéder à une approche comparative des deux cultures footballistiques respectives, l’auteur donne en réalité habilement la parole à des Algériens : « Bien sûr que les résultats sont essentiellement dus à la formation française. Il n'y a pas de formation en Algérie. Il existe dans l'Hexagone une culture technique, physique et mentale plus importante que celle des joueurs locaux. » Des propos où l’auteur cite Nasser Sandjak, ancien sélectionneur des Fennecs et quart de finaliste de la CAN en 2000.


Même précaution lorsque l’auteur parle du manque d’infrastructures et d’éducateurs, où il donne la parole à Abdel Djaadaoui, sélectionneur de l'Algérie entre 2000 et 2001 : « Il n'y aurait pas cette équipe nationale qui brille sans la formation française. Il existe pourtant un vivier extraordinaire en Algérie mais la formation est délaissée. On a des lacunes. Il y a un manque d'infrastructures, un manque d'éducateurs qualifiés, bref un manque de tout ».


Idem lorsqu’il s’agit d’évoquer le retard pris par rapport aux voisins Tunisiens et Marocains : « Pourquoi la formation algérienne possède un énorme retard sur ses voisins ? De l'autre côté de la Méditerranée, les jeunes Algériens ne peuvent pas signer de licence avant d'avoir 11 ans. […] « À 12 ans, le gamin algérien a 6 ans de retard sur le gamin français donc c'est un gros problème », indique Nordine Kourichi, ancien joueur international et coach adjoint de la sélection nationale sous Vahid Halilhodzic entre 2011 et 2014.


Malgré une orientation manifeste mais légitime des citations dans le sens de son postulat initial, en titrant son article « une Algérie made in France », l’auteur n’a-t-il pas d’une certaine façon voulu célébrer, quoique maladroitement, la richesse de la binationalité en matière de football ? Une phrase, citée en guise de conclusion de l’article, conforte en tout cas cette thèse : « Comme pour moi lorsque j'étais joueur, c'est une fierté pour eux d'évoluer pour le pays de leurs parents et c'est aussi une grande richesse de posséder 2 cultures et 2 passeports ». Une confession du milieu offensif de Manchester City Riyad Mahrez.