Leila Alaoui, morte au front
Elle était belle, jeune, pleine de talent et le cœur gonflé d’espoir. On ne va pas en Afrique noire, si on n’a pas une foi incommensurable dans la vie. Et pourtant, ces balles perdues qui l’ont fauchée sur la terrasse du café Capuccino qui jouxte l’hôtel Splendid sur l’avenue Kwame Nkruma, la principale artère de Ouagadougou semblaient être conçues sur mesure pour la jeune femme.
La jeune photographe franco-marocaine qui a été touchée de cinq balles à bout portant par les terroristes d’Al Mourabitoune, est décédée malgré les efforts menés par les proches et l’ambassadeur du Maroc au Burkina pour la sauver.
L’islamiste algérien Mokhtar Belmokhtar, suppôt de Satan et de la branche d’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) avait là une proie de choix. Le destin a voulu que Leila Alaoui ait choisi, ce jour là, de se reposer devant un bon café après un rude travail.
Artiste engagée, photographe des causes perdues, la jeune femme avait été sélectionnée par Amnesty International pour effectuer un reportage photographique au Burkina Faso.
Il s’agissait de plonger dans l’actualité la plus glauque du pays le plus pauvre du globe, qui après 27 années de dictature sous la poigne de fer du président Blaise Campaoré – contraint de fuir le pays en 2014 – essaie plutôt bien que mal, d’instaurer un régime démocratique dans une partie de l’Afrique en perdition.
Une région qui subit de front toutes les misères de la nature et celle des hommes, en particulier les mafieux du djihad, débarqués de la bande sahélienne du nord par l’intervention française au Mali.
La terrasse du café Capuccino et en face l’hôtel Splendid sur l’avenue Kwame Nkruma, la principale artère de Ouagadougou, sont le symbole de l’occident décadent. C’est là où la crème de la société occidentale vient se remettre des rudes journées de travail, il y a là, des diplomates en quête d’infos précieuses, des femmes de petite vertu et de grand appétit, des membres d’organisation internationales à la recherche d’un peu de fraîcheur et des personnages glauques qui fricotent avec les mafias locales.
Mais ce qui intéressait les terroristes, c’est cette image de l’opulence occidentale dans un pays pauvre. En Leila, les fascistes d’Al Qaida ont peut-être tué sans le savoir, l’esprit de Thomas Sankara car pour ceux qui l’auraient sans doute oublié, le Burkina Faso est la patrie de l’homme d’Etat le plus intègre que l’Afrique noire ait pu enfanter.
Ce président des pauvres qui rêvait d’un peu plus de majesté et de dignité pour son peuple avait été assassiné. Pourquoi et par qui ? A l’époque, le seul terrorisme qui sévissait était celui de la Banque Mondiale et du néo colonialisme. Dès sa prise de pouvoir, le jeune officier s’était attaqué à de gros poissons : les anciennes colonies et les financements usuriers de la Banque Mondiale. En ciblant la bureaucratie et en s’attaquant à la classe dirigeante, il avait signé son arrêt de mort.
Abdellatif El azizi