Budget 2022 : Moody’s demande des clarifications à la Tunisie

 Budget 2022 : Moody’s demande des clarifications à la Tunisie

« La Tunisie doit identifier avec plus de clarté ses ressources pour stabiliser sa note souveraine. Sa loi de finances n’a pas proposé de réformes particulières ». C’est en ces termes incrédules et critiques que l’agence de notation américaine Moody’s est revenue sur le cas de la Tunisie, notamment sur la question du financement de son budget pour l’exercice 2022.

 

« Le pays doit identifier avec plus de visibilité et de clarté ses sources de financement afin de stabiliser sa note souveraine », a en effet déclaré Mickaël Gondrand, analyste au sein du Sovereign Risk Group, filiale de Moody’s Investors Service.

Il intervenait en marge d’une vidéoconférence organisée par le club finance de l’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE) sur le thème : Le risque de défaut : est-il réel ? ».

« Dans un contexte où le secteur domestique ne peut pas de couvrir les besoins de financement, et en l’absence d’un accord avec le FMI, il sera compliqué pour la Tunisie de sortir sur le marché international, tandis que le déficit budgétaire et l’endettement du pays restent élevé , voire paralysants », prédit l’expert.

Rappelons qu’en en octobre dernier, la même agence avait abaissé la note souveraine de la Tunisie de « B3 » à « Caa1 » assortie de perspectives négatives. Cela a pour conséquence de classer la Tunisie dans catégorie des pays à « risque très élevé » de non recouvrement de sa dette, et constitue un plus bas historique depuis que le pays est évalué par les agences de notation financière.

Dans ses conditions, un accord avec le FMI demeure crucial pour assurer de nouvelles ressources, accord qui reste tributaire de réformes profondes et claires, visant à maitriser la masse salariale, réviser le subventionnement des denrées de base, et restructurer les entreprises publiques.

 

« La planche à billet fonctionne à plein régime ! »

C’est que l’ensemble de la loi du budget 2022, promulguée cette année par décret présidentiel, repose sur un postulat prérequis : l’obtention d’un prêt supplémentaire conséquent du FMI.

Pour l’économiste Ezzedine Saïdane, cela relève de l’inconscience. « Moody’s nous disent simplement qu’ils ne comprennent rien à notre budget ! Aidez-nous à comprendre ! Notre loi du budget stipule que nous allons contracter de nouveaux prêts à hauteur de 20 milliards de dinars en 2022, dont 12,7 milliards provenant de l’étranger, et 7,5 provenant de prêts de la part de banques nationales. Or, la partie provenant de l’étranger est loin d’être acquise sans l’octroi préalable d’une rallonge du FMI avant le mois de mars prochain, censée rassurer les autres bailleurs de fonds ».

Autre incongruité relevée par Saïdane, le différentiel entre les ambitions du gouvernement en matière de levée de fonds auprès des banques du pays, et la capacité du système bancaire tunisien à ne produire que 2 milliards de dinars chaque année, de l’aveu même de la banque centrale de Tunisie. « Comment expliquer alors l’argent manquant à cette équation ? Je vous le donne en mille, évidemment qu’il s’agira de faire fonctionner la planche à billets, une fois de plus ! ».

Pour leur part, les autorités et le ministère des Finances démentent le recours à la planche à billets synonyme d’inflation galopante, du moins s’agissant des salaires de la fonction publique du mois de janvier, qui ont accusé un retard de près d’une semaine dans certains secteurs.

Face au dollar américain (2.91 dt) et à l’euro (3,25 dt), le dinar tunisien semble résister tant bien que mal et limiter la casse à ce jour, mais pour combien de temps encore ?