Blanchiment d’argent – « Le trésor » du bijoutier

 Blanchiment d’argent – « Le trésor » du bijoutier

Illustration – Adrien Fillon / NurPhoto / NurPhoto via AFP

La Bijouterie El Kenz à la Kissariat El Manjra derb El Fida à Casablanca ne paie pas de mine, mais le petit commerce n’a jamais autant mérité son nom (« Kenz » traduit par trésor) car il s’agit bien d’un trésor de plus de 400 millions d’euros qui a transité par les mains de ce bijoutier casablancais peu scrupuleux.

Dans cette affaire peu banale que le tribunal correctionnel de Marseille (Bouches-du-Rhône) doit se prononcer, en jeu des quantités astronomiques d’argent liquide en circulation, des caches secrètes, des trafiquants de drogue, des banquiers occultes une épicerie parisienne transformée en banque officieuse et même des chefs d’entreprise européens en contact étroit sonnant et trébuchant avec cet univers parallèle où se croisent trafiquants de drogue, blanchisseurs d’argent et intermédiaires de toutes sortes.

Bien sûr, il ne faut pas se faire d’illusions si l’affaire a éclaté, c’est qu’un corbeau (pour x raisons) a collaboré avec la police française pour tendre un piège à un intermédiaire sur l’autoroute A7 dans le Vaucluse. Les flics saisissent une Audi A5 avec des plaques allemandes avec 298 090 euros en petites coupures usagées de 10, 20 et 50, dissimulées dans la banquette arrière.

Depuis, les arrestations qui se suivent et ne se ressemblent pas vont apporter leur lot de prévenus de différents horizons : Dix-huit personnes jugées pour leur appartenance présumée à un immense réseau de blanchiment des bénéfices de la vente de stupéfiants et dans le groupe, onze personnes ayant bénéficié de la procédure du plaider-coupable (CRPC).

Il s’agit essentiellement de nombreux chefs d’entreprise français (dont de gros bonnets) qui ont des affaires au Maroc, essentiellement à Casablanca, Tanger et Marrakech qui fréquentaient régulièrement la fameuse banque parallèle de Paris, dans les locaux d’une modeste épicerie du XVIIe arrondissement de Paris dont le gérant, Mohamed B., faisait office de gérant pour récupérer l’argent déposé par leurs fournisseurs restés de l’autre côté de la Méditerranée et qui avaient au préalable fourni la somme requise au fameux bijoutier de Casablanca. Ce qui leur permettait d’échapper au fisc français comme cela leur permettait aussi de ne pas s’acquitter de leurs charges au Maroc.

Pour l’instant, la pelote de laine que déroulent les enquêteurs a permis de mettre à jour, des sommes conséquentes récupérées par le principal blanchisseur de 70 millions d’euros et juste pour la période située entre août 2015 et novembre 2016. Hasard de l’enquête, les policiers ont pu mettre la main sur un carnet de comptes, retrouvé dans l’épicerie qui fait état d’un volume de remise de plus de 3,5 millions d’euros

On peut se poser la question de savoir comment autant d’argent a circulé entre Casablanca, Bruxelles, Paris ou encore Dubaï, au nez et à la barbe des services de sécurité, que ce soit la douane, la police ou la gendarmerie.

Bien sûr, c’est aux enquêteurs de déterminer l’ampleur et les connexions des complicités à ce niveau, mais il faut déjà savoir que ce système n’aurait pas fonctionné sans ce contrat solide de « confiance » qui régit la mafia. Une confiance, sécurisée par le recours à ce fameux système de la « hawala », qui permet de mettre à disposition de sommes à travers le système traditionnel de compensation d’argent entre pays qui ne laisse aucune trace bancaire…

L’argent collecté faisait parfois l’objet d’investissements, dont s’occupait justement C. S., le bijoutier marocain en contact étroit avec des producteurs de cannabis. Les fonds transitaient alors entre plusieurs pays en toute clandestinité et, surtout, sans aucun transfert physique d’argent. Des agents de change occultes en arabe sécurisent l’opération en prenant une commission à chaque transaction.