Berlin/Rabat. Retour à la normale ?

 Berlin/Rabat. Retour à la normale ?

Les Allemands ont-ils enfin compris l’intérêt de ne pas perdre un partenaire aussi privilégié que le Maroc ? Sinon comment expliquer que l’ambassadeur d’Allemagne au Maroc Götz Schmidt-Bremme ait été invité par Berlin à faire ses valises pour céder la place à Thomas Peter Zahneisen ?

 

Si Rabat donne son feu vert pour accueillir cet ancien Directeur général adjoint de la mission permanente d’assistance humanitaire auprès de l’Office des Nations unies à Genève, le diplomate aura besoin de tout son entregent et son expérience pour remettre les relations entre le royaume et l’Allemagne sur les rails.

Ce qui apparaît de la brouille maroco-allemande (la position de Berlin face à la reconnaissance des Américains de la marocanité du Sahara) n’est en fait que la pointe de l’iceberg.

Il y a bien sûr aussi le dossier libyen que les Marocains ont balisé avec succès durant des années avec des rencontres capitales entre les belligérants à Bouznika ou à Skhirat, avant de se voir exclus d’une conférence diplomatique pour la Libye pilotée par la chancelière Angela Merkel en personne !

Pour comprendre la réalité de ce désamour qui traîne depuis longtemps, il faut faire un peu de géopolitique.

Il faut tout d’abord comprendre que l’intérêt de l’Allemagne, pour le royaume en particulier et l’Afrique en général, est d’origine relativement récente. Contrairement à la France, qui avait mis en place ce fameux système mafieux qu’on appelle la « Françafrique », dénoncé dès 1955, par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Un système basé sur une politique africaine occulte, marquée par des coups d’état dans de nombreux pays africains, avec l’unique objectif de gagner des parts de marché, de préserver les intérêts français dans certaines zones stratégiques (le cas du Niger où Areva exploite ses mines d’uranium au mépris de la santé des populations n’est pas unique).

L’Allemagne, au vu de son passé, a pendant longtemps fait le dos rond avant de commencer à prospecter timidement la diplomatie africaine. Le lancement de l’Auswärtige Kulturpolitik, qui se contente de promouvoir la politique culturelle étrangère, à travers les instituts Goethe mise en place dans les années 1960 va continuer jusqu’aux années 80.

Depuis, ce sont les droits humains qui vont dominer l’agenda allemand en Afrique et la défense des droits de l’Homme prennent alors une place prépondérante dans la politique africaine et arabe de l’Allemagne.

Sauf que l’approche « Promouvoir la démocratie… en passant par la formation politique des élites social-démocrates » va vite se transformer en poil à gratter des pouvoirs en place. Depuis, les autorités marocaines ont du mal à soumettre à une lecture dépolitisée l’activisme effréné des fondations politiques allemandes Konrad-Adenauer, Friedrich-Ebert, Friedrich-Naumann et Hanns-Seidel, très impliquées avec les partis politiques et les dissidents dans le royaume.

Présentée par la quasi-totalité des politiques allemands comme « désintéressée » , cette politique  « fondée sur les droits économiques et politiques des populations » va vite se transformer en ingérence insupportable pour le gouvernement marocain. Alors que par ailleurs, l’Allemagne dépense sans compter pour soutenir les projets de développement économique du royaume, le geste de Berlin pourrait apaiser les esprits et faire oublier ce 1er mars, date à laquelle le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a ordonné la suspension de tout contact entre les autorités et l’ambassade d’Allemagne.