Benoit Gallerey : « L’intelligence artificielle est déjà là dans notre quotidien »

 Benoit Gallerey : « L’intelligence artificielle est déjà là dans notre quotidien »

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Spécialiste des réseaux sociaux à BFM Tv, Benoit Gallerey est aussi l’auteur d’une série de 20 épisodes, « Obsolètes » que l’on peut retrouver tous les dimanches sur Slate.fr jusqu’à l’élection présidentielle. Une politique-fiction où la France est gouvernée par l’intelligence artificielle ! Un pari osé et réussi, qui nous interroge sur notre rapport à la technologie et à la politique.

Le Courrier de l’Atlas : Votre série de politique-fiction, « Obsolètes » sur Slate.fr, nous plonge dans l’univers de l’intelligence artificielle. Pourquoi adjoindre politique et nouvelles technologies ?

Benoit Gallerey : En traitant l’actualité au quotidien, on se situe dans l’événement. On peut lui donner un contexte et une profondeur mais la fiction permet de reprendre le contrôle sur le réel. Sans être sympathique, mon personnage principal, un conseiller de l’Elysée décide de ne pas laisser faire ce logiciel. Il cherche une faille dans ce nouveau système pour que les humains récupèrent le pouvoir. Toutes ces technologies existent déjà. On veut finir avec un monde sans en avoir imaginé un nouveau. Le postulat de la série est « vous en avez assez des politiques. Cela est possible de les remplacer grâce à l’intelligence artificielle. »

LCDA : Faut il avoir peur des machines au pouvoir ?

Benoit Gallerey : L’intelligence artificielle est déjà là dans notre quotidien. Il ne faut pas en avoir peur. Par contre, on ne peut pas se contenter de son aspect « solution magique ». Elle n’est ni intelligente, ni artificielle. Le principe est de collecter des données qui existent. Il y a un humain aussi qui est derrière le code. Ce qui est sûr, c’est la capacité de calcul impressionnante que l’on n’avait jamais atteint jusqu’à maintenant. Cela reste tout de même une super calculatrice. De nombreuses personnes trouvent leurs comptes dans cet algorithme et sur la confiance que l’on donne à cette intelligence artificielle pour diriger nos vies.

LCDA : L’intelligence artificielle repose sur des données. Elle ne peut pas par exemple « effacer » les discriminations et ne fait que les entretenir. Est-ce le cas ?

Benoit Gallerey : La promesse de « l’Algorithme », qui devient président de la France est de dire qu’elle traite tout le monde de la même manière. Un ordinateur est complètement neutre et ne peut avoir de préjugés. Par contre, il n’y a pas plus conservateur qu’une intelligence artificielle. Elle va chercher la solution qui fait le plus consensus. Un exemple qui m’a inspiré pour cette politique-fiction est le programme Watson qu’a fait IBM pour recenser toutes les décisions judiciaires et la jurisprudence aux Etats-Unis. Le problème, ce sont toutes les décisions racistes qui ont été opérées durant un siècle dans ce pays. Le logiciel était tel que l’entreprise américaine l’a retiré. L’humain peut encore reconnaitre l’absurde, ce que ne peut pas faire l’intelligence artificielle.

LCDA : Vous vous penchez aussi sur la relation de l’humain et de la technologie. En a t’on encore le contrôle ?

Benoit Gallerey : On a encore la maîtrise tant que l’on nous fait pas croire que c’est magique. Avec la loi de RGPD, on s’est rendu compte à quel point nos données étaient entre les mains de sociétés. Tout cela est assez obscur. Sur Facebook ou Youtube, on voit les contenus en premier que la machine nous propose toute seule en devinant nos envies. On doit savoir ce qu’on donne à la machine et ce qui en sort.

LCDA : Avec l’affaire Cambridge Analytica et Facebook, on a été mis devant les influences en politique. Est ce que l’intelligence artificielle met en danger nos démocraties ?

Benoit Gallerey : Dans cette affaire, on a l’impression que ce n’est pas la machine qui a été mauvaise mais plutôt l’humain qui l’a utilisé pour ses campagnes. Dans un autre genre, le « dégagisme » qu’a pu incarner le mouvement des gilets jaunes par les réseaux sociaux, m’a inspiré sur la nouvelle organisation et la façon de faire de la politique. On n’a jamais eu autant d’informations sur la population. Les gouvernants connaissent ce qui nous fait réagir, etc.. C’est un progrès fascinant. La question que nous devons nous poser, est celle du temps. D’un côté, on est dans la frénésie de l’information et de la réaction sur les réseaux sociaux qui ne colle pas avec le temps long de la politique et de la décision. Elle fait accélérer le rythme qui est difficilement conciliable avec une démocratie apaisée.

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