Benjamin Barthe : « Le droit international doit être notre boussole »
Correspondant au Proche-Orient pendant plusieurs années, le rédacteur en chef adjoint de l’international au quotidien Le Monde revient sur les 30 ans des accords d’Oslo et la situation actuelle en Israël et à Gaza.
Le Courrier de l’Atlas : Que reste-t-il des accords d’Oslo, 30 ans après leur signature ?
Benjamin Barthe : Ils sont morts et ce, bien avant le massacre commis par le Hamas le 7 octobre 2023. La dernière négociation remonte aux années 2010. Depuis, il n’y a plus rien. Il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, les accords ont subi les coups de boutoir de la colonisation israélienne qui ne s’est jamais arrêtée, même durant les gouvernements travaillistes en Israël. Les Israéliens ont grignoté, sans cesse, la terre des Palestiniens.
De manière très pratique, il s’agissait de saboter toute possibilité de création d’un Etat. Ensuite, le Hamas a une responsabilité importante avec la campagne d’attaques contre les civils israéliens dans les années 90, puis pendant la seconde Intifada. Cela a contribué à casser une partie de la confiance du public israélien dans la possibilité d’avoir un accord avec les Palestiniens. Enfin, la communauté internationale joue un rôle très important dans l’échec de ces accords.
>> Lire aussi : Gaza : Les dangereuses conditions d’exercice des journalistes pour continuer à informer
Comment se sont comportés les Etats-Unis durant ces 30 ans ?
Benjamin Barthe : Les Américains n’ont pas joué leur rôle de médiateur. Aux Etats-Unis, on parle de « honest broker », c’est-à-dire le courtier honnête, l’intermédiaire équitable entre les parties. Dans les faits, ils ne l’ont pas fait. En 2005, un négociateur américain, Aaron David Miller a reconnu, dans un article, que les Etats-Unis ont joué le rôle d’avocat d’Israël et non de médiateur.
Chez les négociateurs américains, il y avait la pratique du « no surprise policy ». Quand ils venaient avec un texte de compromis, ils soumettaient le texte aux Israéliens avant de le soumettre aux Palestiniens. Il ne fallait jamais surprendre les Israéliens avec un texte qu’ils n’auraient pas validé au préalable.
>>Lire aussi : Guerre Israël/Hamas : les ONG poussent pour la libération des otages
Peut-il y avoir un espoir de paix entre de nouveaux négociateurs ?
Benjamin Barthe : Pour avoir un nouvel Oslo, il faut une nouvelle direction israélienne qui soit complètement acquise au principe des deux Etats. Pendant toutes les négociations, les Israéliens invoquaient que leur pays resterait dans ses frontières mais que les territoires Palestiniens seraient aussi sous leur contrôle.
Les différents plans consistaient à annexer jusqu’à 10% de la Cisjordanie. Ils estimaient que certaines colonies ne pouvaient pas être évacuées.
Pour qu’un processus de paix puisse avoir lieu sur des bases saines, il faut que les négociations se basent sur la résolution 242 des Nations unies. Celle-ci demande un retrait des colonies et de la présence israélienne de tous les territoires occupés.
Le droit international doit être notre seule boussole. Il ne doit pas y avoir de « oui mais ». Il faut le droit international, tout le droit international et rien que le droit international.
>>Lire aussi : Gaza: une humanitaire affirme que ses deux enfants français ont été tués par l’armée israélienne
Concernant les crimes de guerre qui se déroulent actuellement, pensez-vous qu’ils vont être jugés par le droit international ?
Benjamin Barthe : Il existe déjà une procédure déposée par les Palestiniens devant la Cour pénale internationale. C’était en lien avec la guerre de 2014 à Gaza. Il va falloir rajouter d’autres éléments qui seraient en lien avec les destructions de la guerre actuelle. La CPI jugera aussi les crimes de guerre du Hamas.
Par ailleurs, il y a une autre plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ). Celle-ci concerne la légalité de l’occupation israélienne en Cisjordanie.
En droit international, une occupation militaire n’est pas forcément illégale. Toutefois, elle doit être temporaire et la puissance occupante a l’interdiction de transférer sur le territoire occupé, sa propre population.
Or, on est dans une situation de pérennisation, d’enracinement et voire même, d’annexion de fait. Sur le transfert de la population, la colonisation est une violation de ce critère.
Les audiences vont commencer en février. A la fin de l’année prochaine, la CIJ dira si l’occupation après 56 années est encore légale ou pas.