Élection présidentielle : un électeur sur deux a voté pour l’extrême droite

 Élection présidentielle : un électeur sur deux a voté pour l’extrême droite

Norbert Hofer


À quelques voix près, l’Autriche aurait pu élire un président d’extrême droite, ce qui aurait été une première historique pour l’Union européenne. C’est finalement l'écologiste Alexander Van der Bellen (50,3 %) qui remporte sur le fil l'élection présidentielle autrichienne face au populiste Norbert Hofer (49,7 %). Les deux hommes n’ont pu être départagés qu’à l’issue du décompte des derniers votes par correspondance.


 


Thriller électoral


Il s’en est fallu de très peu pour que l’Autriche se dote d’un chef d’État d’extrême droite. Arrivé largement en tête au premier tour, avec 35 % des voix, M. Hofer du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) comptait encore une avance de 144 000 voix dimanche à l'issue du décompte des urnes du second tour. Mais, le vote par correspondance (14 % du corps électoral) dépouillé lundi a finalement fait pencher la balance en faveur du candidat écologiste, au terme d'un long suspens électoral. Au total, quelque 6,4 millions d'électeurs étaient appelés à désigner un successeur au social-démocrate Heinz Fischer.


Les partis social-démocrate (SPÖ) et conservateur (ÖVP), au pouvoir depuis la Seconde Guerre mondiale, ont subi une déroute historique au premier tour, qui a poussé le chancelier Werner Faymann (SPÖ) à démissionner entre les deux tours.


 


Amère victoire


« Je vous remercie pour votre soutien. Bien sûr, je suis triste aujourd'hui » (lundi), a indiqué M. Hofer sur sa page Facebook. « Les efforts déployés pour cette campagne ne sont pas perdus, mais sont un investissement pour l'avenir ». Cet ancien dirigeant des verts autrichiens est appelé à devenir le premier candidat issu du camp écologiste à être élu à la tête de l'État autrichien, et le seul en Europe actuellement.


Crédité de 21,3 % seulement des voix au premier tour, loin derrière M. Hofer, qui en avait obtenu 35 %, M. Van der Bellen a bénéficié d'une participation électorale en hausse et d'importants reports de voix notamment des partis traditionnels, qui avaient subi un revers historique. « Ça vaut le coup de ne pas abandonner », a jugé le candidat écologiste dimanche.


Une victoire de M. Hofer, 45 ans, vice-président du Parlement, aurait constitué la première élection à la tête d'un État de l'Union européenne d'un représentant d'un parti d'extrême droite. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait à ce sujet exprimé sa crainte de « voir la droite pure et dure et l'extrême droite » l'emporter en Autriche, une perspective applaudie en revanche par le Front national français.


 


Le plafond de verre tiendra-t-il longtemps ?


Conformément à la tradition en Autriche, aucun parti tiers n'avait donné de consigne de vote, mais de nombreuses personnalités, y compris des ténors des partis social-démocrate et conservateur au pouvoir, avaient indiqué qu'ils choisiraient M. Van der Bellen. Avec cette courte défaite, le FPÖ réalise toutefois son meilleur score à un scrutin national, surfant sur la vague des migrants qui a vu 90 000 personnes demander l'asile dans le pays en 2015.


M. Hofer a ainsi recueilli les suffrages de presque un électeur sur deux et s'est imposé dans la majorité des zones rurales. Il a séduit la majorité des électeurs masculins (54 %) et sans diplôme du second degré (58 %). Le vote ouvrier est aussi très majoritairement allé vers Norbert Hofer (71 %).


Comme le FN en France, le FPÖ a fait sa campagne sur les thèmes de l'emploi et le niveau de vie des Autrichiens. À la différence du parti d’extrême droite français, M. Hofer a assuré qu'il n'entendait pas remettre en cause l’appartenance de son pays à l'UE, à moins que la Turquie n'y adhère. L’échec de la droite populiste à la porte de la fonction suprême en Autriche n’est qu’un jalon de plus d’une longue série de scrutins qui l’ont vue monter dans plusieurs pays d’Europe, notamment en France et en Allemagne, les deux plus grands pays européens. L’extrême droite bute jusqu’à présent sur la barre symbolique des 50 % dans les élections nationales, mais l’a déjà franchie localement, notamment aux élections régionales françaises de 2015.


Rached Cherif