Au sommet Italie-Afrique, Kais Saïed se livre à une tirade souverainiste

 Au sommet Italie-Afrique, Kais Saïed se livre à une tirade souverainiste

Giorgia Meloni accueillant Kais Saied lundi 29 janvier 2024

Le président de la République, Kais Saïed, a participé ce matin lundi 29 janvier 2024 à Rome à l’ouverture du sommet Italie-Afrique. Il a tenu des discussions avec plusieurs chefs d’État, organisations et délégations participant au sommet, avant de prononcer une allocution idéologiquement chargée par certaines obsessions thématiques.

La capitale italienne accueille le sommet Italie-Afrique, officiellement dans le but de lancer une nouvelle phase de coopération, notamment dans le secteur énergétique. Il s’agit en réalité de l’un des grands et ambitieux chantiers du mandat de la cheffe du gouvernement italien d’ultra droite Giorgia Meloni, alliée du régime tunisien, et qui souhaite redonner à Rome une place centrale dans les décisions politiques et macroéconomiques européennes.

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Le sommet devrait aborder certaines questions en lien avec le continent africain et l’Europe, telles que le changement climatique, la sécurité alimentaire, la migration et la transition énergétique. La prise de parole du président Saïed fut aujourd’hui l’occasion pour le leader tunisien de quelques digressions.

 

Novlangue : Saïed invoque « l’ordre de nuit »

« Il y a un ordre du jour que je tiens à respecter, mais il y a un ordre de nuit que je tiens fermement à dévoiler », s’enorgueillit en français Kais Saïed en ouverture de son allocution à la faveur d’une de ces pirouettes poétiques dont il n’est pas peu fier.

Saïed utilisera par la suite cette tribune internationale pour se lancer dans une tirade antisioniste :

« Parmi les sujets qui ne sont pas explicitement inscrits à l’ordre du jour de cette réunion, mais qui doivent être mentionnés et non négligés, il y a la guerre d’extermination menée par les forces d’occupation sionistes en Palestine contre tout le peuple palestinien. Chaque minute qui passe un civil est fait martyr, une maison est démolie, un abri est bombardé ou un hôpital détruit ».

« […] Aucune paix n’est possible tant que la Palestine entière ne sera pas libérée et que le peuple palestinien n’établira pas un État pleinement souverain avec Jérusalem sainte pour capitale. Ceux qui œuvrent à placer les réfugiés dans des appartements, des immeubles ou des campements est semblable à quelqu’un qui place du bois sur des charbons ardents pour raviver le feu et le rendre plus intense.»

Il établit ensuite un parallèle belliqueux avec l’Afrique, sur le ton docte de l’historien autoproclamé qu’il affectionne tant, assortie d’une pique anti occidentale et altermondialiste :

« Sur le continent africain, les braises de la guerre se sont répandues depuis les accords de Berlin à la fin du XIXe siècle, et elles s’y propagent encore à la suite, le plus souvent, d’interventions étrangères. En moins de trois décennies, de nombreuses régions d’Afrique ont connu plus de trente-cinq guerres civiles, et quant au nombre de réfugiés et de personnes déplacées, il est difficile, voire impossible, de le compter. Le nombre d’Africains qui sont morts de famine, d’épidémies et de maladies n’est pas moins nombreux que ceux qui sont morts pendant les guerres. L’espérance de vie moyenne dans un pays africain n’est aujourd’hui que d’un peu plus de quarante ans ».

« Toutes ces tragédies se sont produites et se produisent à une époque où l’Afrique possède un tiers de la richesse mondiale, soit environ 2,4 billions de dollars américains, et ce chiffre devrait augmenter au cours des dix prochaines années, selon le dernier rapport 2023 sur la richesse en Afrique », renchérit-il.

 

Ne pas froisser l’allié italien

Saïed poursuit : « nombreux sont les sommets, mais à chaque occasion, seules des annonces en ressortent, une fois dans telle capitale et une fois dans telle autre : tout le monde veut être une locomotive, tandis que les pays africains sont des chars ballotés tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Mais aujourd’hui à Rome, nous rencontrons une nouvelle pensée, à l’initiative louable de Mme Meloni, Première ministre de la République italienne, et avec des approches différentes, rappelant les déceptions et les douleurs du passé et anticipant un nouvel avenir basé sur le traitement méthodique des problèmes. L’Afrique, non pas avec la logique des véhicules tractés, mais celle de la conduite de la locomotive ensemble, dans la direction vers laquelle nous nous dirigeons ensemble… Une nouvelle société humaine fondée sur la justice, dans laquelle les causes de discrimination et de la misère sont éradiqués ».

Sans que l’on comprenne concrètement en quoi la doctrine de la très droitière Meloni sera salvatrice pour l’Afrique, le président tunisien ne perd pas le nord et continue donc à flatter et caresser dans le sens du poil la numéro 1 de l’exécutif italien, toujours dans l’espoir de parachever un axe autoritaire Tunis – Rome qui tarde à donner ses fruits de part et d’autre de la Méditerranée. Les arrivées de migrants en Italie ont en effet presque doublé en 2023 par rapport à la même période en 2022, avec environ 140 000 personnes débarquées. Plus de 90 % d’entre elles sont venues de Tunisie, la petite île italienne de Lampedusa étant la plus touchée par les débarquements. Tandis que de son côté la Tunisie attend toujours le déblocage de fonds significatifs en provenance de l’UE pour espérer sortir de la crise économique, en échange de ses efforts décuplés en matière d’interception de migrants.