Le Nouveau Casino censure le concert d’un rappeur
Son album, on l’a écouté plusieurs fois pour être sûr. C’est du rap, du vrai rap, engagé, conscientisé, comme on l’aime mais aucune des chansons de Blade MC, de son vrai nom Frank Ali M’Baye, incite à la haine raciale, ou contient des propos homophobes, ou appellerait au sexisme. Non, rien de tout ça. Et pourtant, l’artiste de 34 ans, originaire du Havre, vieux briscard du rap français, qui chante depuis une vingtaine d'années, a vu son concert du 27 mai prévu au Nouveau Casino de Paris annulé.
Une censure assumée par la direction de la salle parisienne qui lui a gentiment envoyé un courriel pour lui signifier son refus. « Après discussion avec mon supérieur, nous ne pouvons pas recevoir votre artiste au Nouveau Casino, car nous trouvons ses textes et son album trop engagés », écrit la direction.
Tout commence quand en décembre 2015, le premier album de Blade MC, " Bleu : Point Zéro", sort. « Ca n’a pas été simple d’aller au bout de ce projet parce que nous sommes un label indépendant mais nous n’avons rien lâché », lâche fièrement le rappeur. Pour présenter son disque, Blade MC cherche alors une salle de concert pas trop chère mais de qualité. Fin février, il trouve son bonheur.
Son choix se porte sur le Nouveau Casino, une salle parisienne qui peut accueillir 400 personnes, « la taille qu’il nous fallait », précise l’artiste. Une date est alors trouvée : le concert aura lieu le 27 mai. Une facture pour s'acquitter du premier acompte est même envoyée à l'artiste.
« Comme nous avions eu un accord de principe avec la direction du Nouveau Casino, nous avons commencé à engager des frais », rappelle Blade MC. L’équipe du rappeur édite des affiches, prévient ses partenaires, des répétitions avec les musiciens ont même lieu.
Tout allait bien donc, avant que le rappeur reçoive le fameux email où il apprend que le concert est annulé. « Sur le coup, je n’ai pas compris et je ne comprends toujours pas cette censure », dit-il déçu. « Un artiste fait de l’art pour dire des choses. Mes textes sont engagés mais ce n’est pas un crime. Je n’ai jamais été poursuivi par la justice pour mes chansons », rappelle le rappeur. « Ce qui est drôle dans cette histoire, c’est que le nouveau casino a déjà accueilli par le passé d’autres artistes beaucoup plus virulents que moi », continue Blade MC.
En apprenant la censure de son concert, le rappeur rend publique sa mésaventure. Face au buzz sur les réseaux sociaux, la direction du Nouveau Casino se voit obligée de se fendre d’un communiqué, avec d’autres arguments pour justifier la censure.
Ce ne sont plus les textes du rappeur qui poseraient problème mais une des ses affiches « mettant en scène un drapeau français, une corde avec du sang dégoulinant ainsi qu'un Fez ensanglanté ». « En novembre dernier, La Bonne Bière, l’une des enseignes du propriétaire du Nouveau Casino, a été visée par les attentats, nous avons donc été directement touchés par le sang et l'horreur », explique la direction de la salle.
« Le Nouveau Casino n’est en aucun cas contre la liberté d’expression et les causes justes quelles qu’elles soient. L’engagement des textes et des visuels ne regardent que l’artiste, mais au vu du contexte, ceux-ci s'y prêtaient mal », continuent les responsables du nouveau casino. « En gros, il faut arrêter de s'exprimer quand il y a des événements tragiques », lâche le rappeur, un brin dépité.
Le concert de Blade Mc aura tout de même lieu à Saint-Denis (93) courant juin. « En apprenant la censure, La Ligne 13 m’a gentiment proposé sa salle. Malgré cette bonne nouvelle, je n'ai toujours pas digéré la censure", conclut l'artiste.
Nadir Dendoune