Attaques en Israël. « Les observateurs qui se disent surpris se moquent du monde », Dominique Vidal, historien
Le dernier bilan de l’attaque du Hamas, samedi 7 octobre, compte plus de 700 morts côté israélien, et plus de 400 Palestiniens tués dans la riposte de l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Un bilan qui risque de s’alourdir : le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a promis « une vengeance terrible ». Entretien avec Dominique Vidal est journaliste, historien, spécialiste de la question palestinienne.
>> A lire aussi : Palestine : pour en finir avec les idées reçues
LCDL : Que vous évoquent les attaques du Hamas ?
Dominique Vidal : D’abord, j’aimerais rappeler que tirer sur des civils, à fortiori pris au hasard, constitue un crime de guerre, que les victimes soient palestiniennes ou israéliennes. Sans compter que, comme toujours, de nombreux Gazaouis, otages du Hamas comme d’Israël, vont sans doute payer de leur vie la riposte de Tsahal.
Ces attaques ont surpris pas mal de monde…
Les observateurs qui, anniversaire de Kippour oblige, se disent surpris, se moquent du monde. Depuis 9 mois, Israël est dirigé par la coalition la plus belliciste de toute son histoire, Netanyahou ayant choisi de s’allier à des partis suprémacistes et ultra-orthodoxes. L’année 2023 se solde déjà par plus de 250 Palestiniens assassinés par des soldats ou des colons israéliens. Ces derniers se sont livrés à de véritables « pogroms », comme à Huwara.
Des massacres ont été perpétrés dans les villes martyres de Jénine et Naplouse. Un transfert massif est en œuvre à Massafer Yata, au sud de Hébron. Chaque jour, imitant Itamar Ben Gvir, des centaines de colons violent le statu quo concernant les Lieux saints de Jérusalem en pénétrant sur l’Esplanade des mosquées…. Qui pouvait imaginer que le mouvement islamiste ne réagirait pas à cette folle escalade ?
En attaquant Israël de la sorte, que cherche le Hamas ?
Il vise déjà à impressionner la population israélienne. Il cherche aussi à redorer le blason du mouvement, face à un Fatah discrédité par la collaboration de l’Autorité palestinienne avec Israël, sur fond de corruption et de répression. Il entend enfin mettre des bâtons dans les roues des négociateurs saoudiens qu’americains et israéliens espèrent rallier aux accords d’Abraham.
Ces attaques sont-elles une bonne stratégie ?
Non. Le Hamas n’a pas tiré les leçons du passé : comme ses attentats kamikazes durant la Seconde Intifada, une telle opération risque au contraire de ressouder, au nom de la sécurité, une société divisée. Au mieux, c’est dans un second temps que l’opinion s’interrogera – peut-être – sur les responsabilités de son propre gouvernement. Cette nouvelle guerre prouve aussi, dans le sang de ses victimes, que le Proche-Orient ne connaîtra jamais la paix tant que les Palestiniens n’auront pas, eux aussi, droit à l’autodétermination.
Voilà 75 ans que tous les gouvernements israéliens – sauf celui d’Yitzhak Rabin, de 1992 à son assassinat en 1995 – comptent sur la force pour imposer leur État. Seule une paix juste garantira durablement la coexistence entre Israéliens et Palestiniens dans l’égalité de leurs droits nationaux et individuels.