Attaque de Djerba : une enquête révèle le profil salafiste de l’assaillant
Quasiment une semaine après l’attaque meurtrière de Djerba, l’opacité reste de mise du côté des autorités qui, si elles prétextent l’enquête judiciaire en cours, font tout pour nier le caractère terroriste ou salafiste de l’attaque perpétrée par un policier. Face à cet « elephant in the room » du déni ambiant, une équipe de journalistes de l’émission « les 4 vérités » de la TV privée al Hiwar ont fait le déplacement dans le quartier de l’assaillant.
Diffusé dimanche soir, le reportage en question a d’ores et déjà réalisé un record d’audience puisqu’il totalise déjà un demi-million de vues sur les réseaux sociaux. Visiblement affecté par l’accusation de « haine antisémite » formulée par le président français Emmanuel Macron, qui pourtant semble être dirigée contre l’assaillant et non l’Etat tunisien, le président Kais Saïed a effectué une sortie surprise samedi dans l’Ariana dont on se demande la finalité exacte :
Pour le grand leader, la Tunisie n'est pas antisémite : Il s'est déplacé près de l'ancienne maison de ses grands-parents où des juifs se seraient cachés pendant la WWII. Mais fait ce parallèle glaçant : "nos frères palestiniens sont assassinés (..) nous récupérerons la Palestine" pic.twitter.com/mJp3KVR7Tl
— Sentenza (@RealSentenza) May 13, 2023
Le chef de l’Etat est une fois de plus revenu sur sa propre histoire familiale, ses grands-parents ayant dissimulé des Juifs lors de la Seconde guerre, mais il a aussi utilisé cette sortie pour marteler son soutien inconditionnel au peuple palestinien. Un mélange des genres inopportun en pareilles circonstances pour de nombreux internautes, qui ne comprennent pas de surcroît le besoin de se mettre dans la posture de la justification si l’assaillant, un membre de la Garde nationale, est bien un loup solitaire, qu’il soit ou non motivé par un agenda djihadiste.
Suspicion de défaillances administratives
Cette dimension terroriste, c’est précisément ce que l’investigation télévisée se propose de démontrer. Et cela n’a requis qu’un simple déplacement dans le quartier natal de l’assaillant, Douar Hicher, à Oued Ellil (gouvernorat de la Manouba). C’est là que sous couvert d’anonymat, une voisine du tueur affirme que dès 2014, Wissem Khazri se serait clairement fait remarquer pour sa brusque radicalisation religieuse dont il ne se cachait pas. « L’année de son baccalauréat, il s’est laissé pousser la barbe, s’est mis à porter le qamis, passait son temps dans la mosquée, et a exigé de sa petite amie et de ses sœurs de porter le niqab », relate la riveraine.
Le 22 décembre 2022, la Chambre criminelle spécialisée dans les affaires criminelles auprès du Tribunal de première instance de Tunis avait condamné quatre membres d’une cellule terroriste à des peines allant de 1 à 21 ans de prison, parmi eux, l’imam d’une mosquée de Douar Hicher.
Un autre témoin originaire du même quartier affirme quant à lui que le jeune Wissem « s’absentait durant de longues périodes, suspecté de se rendre à l’époque en Libye ». Se pose alors la question des modalités de recrutement professionnel du jeune homme en 2017, alors que le ministère de l’Intérieur tunisien est réputé infaillible quant au processus de sélection et de renseignement en amont sur les profils recrutés dans les corps armés.
Plusieurs antécédents terroristes
Cette infaillibilité, la famille d’Aviel Haddad et Benjamin Haddad, marseillais de 42 ans, victime française de l’attaque de Djerba, n’y croit plus vraiment. Endeuillée à deux reprises, cette famille rappelle qu’elle a perdu l’un des siens, un enfant de 5 ans Yoav Haddad, lors de l’attaque de la même synagogue de la Ghriba le 8 octobre 1985, perpétrée là aussi par un policier, tuant 4 personnes dont 3 juifs. A l’époque, les autorités avaient invoqué un accès de folie.
En avril 2002, avant la démocratisation du web, le régime de Ben Ali avait tenté dans un premier temps de présenter l’attentat de la Ghriba au camion piégé qui avait fait 19 morts comme « un accident ». Après la révolution tunisienne, le 11 avril 2012 le président Moncef Marzouki, l’ambassadeur d’Allemagne en Tunisie, Horst-Wolfram Kerll et l’ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, participent à une marche silencieuse en mémoire des défunts. Le président tunisien rencontrait alors les familles des victimes qui peuvent assister à la commémoration et prononce un discours au nom de l’État tunisien où il dénonce cet acte et exprime au nom du peuple tunisien une compassion et une solidarité pour les victimes et leurs familles.
Hier, jour de match, au Stade vélodrome de Marseille un hommage a été rendu à Benjamin Haddad :