Arash Derambarsh : La Sorbonne reconnaît ses erreurs dans un rapport

 Arash Derambarsh : La Sorbonne reconnaît ses erreurs dans un rapport

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Dans une enquête que nous avions mené le 20 septembre dernier (Arash Derambarsh : l’affaire qui a fait dysfonctionner la Sorbonne), nous avions soulevé les manquements de l’université Paris I-La Sorbonne. L’administrateur provisoire, Thomas Clay nous avait renvoyé à un rapport interne qui devait sortir le 30 septembre. Nous l’avions sollicité pour l’avoir, sans succès. Depuis, nous avons pu obtenir ce document qui confirme notre enquête.

 

Le 21 juillet 2020, la commission disciplinaire émet un compte-rendu de 40 pages, après un an de procédure. Elle a évoqué une seule victime à charge : Arash Derambarsh. L’avocat, militant associatif et politique est alors accusé d’un supposé plagiat sur sa thèse de droit. Les accusations sont nombreuses (plagiat, jury non conforme, absence de rapport de soutenance, statut de confidentialité,..). A une majorité de nos questions, nous étions renvoyés à un rapport de l’enquête administrative interne.

Celui-ci devait sortir le 30 septembre 2020. Nous avions sollicité l’Université pour en avoir le contenu. Aucune réponse positive de leur part ! Nous avons pu obtenir ce document qui confirme notre version des faits. La rapporteure a interrogé près de 10 personnes. Dans son document du 29 septembre 2020, elle revient sur « les dysfonctionnements administratifs, qui, enchaînés les uns aux autres, ont créé une série de circonstances opportunes qui ont conduit à cet état de fait. » Nous reprenons ici les différents points évoqués par ce rapport.

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Sur le plagiat et le défaut de formation

Sur ce point, l’auteure renvoie à la question de l’intégrité scientifique. Elle aborde la circulaire de 2017 qui estime qu’elle est à la fois « d’une responsabilité individuelle et d’une responsabilité collective. » Elle précise que « dés lors que l’on utilise la production d’un tiers sans son consentement, la source doit être citée correctement». Mais, la rapporteure précise que l’université ne peut pas « dédouaner la responsabilité collective. »

Elle reconnaît ainsi que les outils ont évolué avec la mise en place du dépôt électronique en 2013 et que l’Université dispose depuis 2012, d’un logiciel anti plagiat Compilatio. L’usage restait à la discrétion du directeur de thèse sauf que sur son site, la société Compilatio indique ne pas être un outil anti-plaigiat mais uniquement une société qui mesure les similitudes. Le rapport précise que « son usage n’est toujours pas systématisé à l’ensemble des thèses » et que « les pratiques divergent selon les Ecoles Doctorales ». Il indique que l’université « n’a pas pris toute la mesure de ce qui est attendu par « une politique de l’intégrité scientifique qui aborde de front la sensibilisation, la formation, la prévention et le contrôle. »

Toujours sur le même point, le rapport préconise entre autres, de mettre en œuvre une charte relative à l’intégrité scientifique. Elle propose aussi de rendre obligatoire le passage des thèses deux mois avant la soutenance dans l’outil de détection de plagiat Compilatio. Enfin, elle souhaite « rendre obligatoire dans le parcours doctoral des modules portants sur l’Ethique de la recherche et l’intégrité scientifique et sur la propriété intellectuelle et les droits d’auteur.» Rappelons qu’Arash Derambarsh n’avait eu aucune formation des Ecoles Doctorales.

Sur la question de l’admission et de l’inscription

Dans son compte-rendu, la commission disciplinaire avait soulevé la question d’un transfert administratif dans une chronologie extrêmement serrée. Ce délai ne permettait pas de respecter l’obligation règlementaire du dépôt du fichier de la thèse, 3 semaines avant la soutenance. Comme le précise le rapport, « les transferts de thèse sont assez courants.». Il précise que « l’université Paris I Panthéon-Sorbonne n’a pas de procédure unique formalisée » et que « rien ne garantit que ce dysfonctionnement ne puisse se reproduire aujourd’hui. » L’Université préconise entre autres, de faire valider le transfert par le conseil de l’Ecole Doctorale. Elle souhaite aussi « imposer un délai raisonnable entre la date d’inscription à l’Ecole Doctorale et la date de soutenance de la thèse. »

Sur la question de la soutenance

Dans le rendu de la commission disciplinaire, la commission avait reproché que le jury de la thèse n’était pas conforme à la loi. Un ancien vice-président d’université, interrogé pour notre enquête, rappelait que c’est « à l’école doctorale de vérifier la légalité du jury ». Dans son rapport du 29 septembre, l’université admet que « l’administration n’a pas joué son rôle de contrôle ». Pire, elle précise même que « rien ne garantit que ce dysfonctionnement ne puisse se reproduire aujourd’hui. »

Sur l’absence d’archive du rapport de soutenance de thèse

Le 14 décembre 2015, l’université Paris 1-La Sorbonne délivre le diplôme de doctorat à Arash Derambarsh au vu du « procès verbal » et de « la délibération du jury ». Ces conditions sine qua non permettent d’obtenir le diplôme. Dans notre enquête, nous ne comprenions pas comment cela avait été possible. L’Université fait le même constat : « Cette absence de rapport soulève la question de savoir comment l’université Paris 1-La Sorbonne a pu délivrer un diplôme en tant que docteur en droit, en l’absence de ce rapport. » Le rapport fait le constat aussi « sans remettre en cause la bonne foi de chacun,…que ni l’Ecole Doctorale, ni le directeur de thèse ne sont en capacité de fournir le rapport de soutenance. »

Sur la question du dépôt électronique

Dans notre enquête, nous parlions de 300 thèses non répertoriées en 2016 au Service Commun de la Documentation (SCD). Le rapport interne de l’Université confirme le chiffre de 298 thèses « récupérées ». Toutefois, aucune certitude sur le fait qu’elles soient toutes entre les mains de l’administration. La rapporteure précise tout de même que le processus « semble sous contrôle.»

Sur l’octroi du statut de confidentialité

L’un des reproches fait à Arash Derambarsh était la clause de confidentialité de sa thèse. La commission disciplinaire pensait que Mr Derambarsh voulait se déroger « au circuit normal de la décision dans ce domaine. » Or, le rapport confirme que la thèse sera « libéré » en 2023. Il rajoute même que « le statut de confidentialité a bien été accordé dans les règles de l’art ». Elle précise qu’il s’agit de « la décision la plus sage au regard du sujet de la thèse qui pouvait paraître sensible pour un non initié. »

Enfin, le rapport évoque que les causes « sont de natures diverses et reposent pour beaucoup sur l’absence d’une procédure formalisée. » Il rappelle ainsi que l’on ne peut faire porter l’ensemble des fautes au seul directeur de thèse.

Pour la rapporteure, il y a eu des défaillances et l’administration « n’a pas assuré la fonction de contrôle que l’on attend» d’elle. Le rapport contredit aussi les accusations portées contre l’avocat qui aurait eu une thèse soi-disant complaisante. En effet, elle estime que « ces manquements de l’administration ne permettent pas de conclure qu’il se soit agi de la mise en œuvre d’un système de complaisance. » Enfin, elle conclut que c’est « bien tout un système qui a été défaillant et qui a conduit à cette situation et non la seule responsabilité d’un des protagonistes en particulier.»

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