Verdict historique contre plusieurs anciens hauts dirigeants de l’ère Bouteflika

 Verdict historique contre plusieurs anciens hauts dirigeants de l’ère Bouteflika

Ouyahia et Sellal condamnés respectivement à 15 et 12 ans de prison.


La justice algérienne a infligé mardi à Alger de lourdes peines de prison à plusieurs anciens hauts dirigeants politiques et grands patrons jugés coupables de corruption. Ces personnalités étaient jugées dans le cadre du premier procès consécutif aux vastes enquêtes lancées après le départ du président Abdelaziz Bouteflika début 2019.


Verdict historique en Algérie. Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, deux anciens premiers ministres réputés proches de M. Bouteflika ont été condamnés à respectivement 15 et 12 ans de prison ferme. Le premier est également condamné à une saisie de ses biens et à une interdiction d’exercer une activité politique dans le futur. La peine de prison du second est assortie d’une amende de 2 millions de dinars algériens (environ 15 000 euros). Le Parquet avait requis 20 ans d’emprisonnement contre les deux hommes qui ont paru abattus à l’énoncé du verdict, de même que plusieurs de leurs co-accusés


C’est la première fois depuis l’indépendance en 1962 que la justice algérienne jugeait des dirigeants de ce rang. Ahmed Ouyahia, 67 ans, fut quatre fois Premier ministre entre 1995 et 2019, dont trois fois durant les 20 ans de présidence Bouteflika, et Abdelmalek Sellal, 71 ans, dirigea le gouvernement de 2014 à 2017 et quatre campagnes électorales du président déchu.


Dix-huit accusés au total étaient jugés depuis le 4 décembre pour diverses malversations liées au secteur de l’industrie automobile algérienne et au financement électoral « occulte » de M. Bouteflika, chef de l’État durant 20 ans.


Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie, en fuite à l’étranger, a lui été condamné par contumace à 20 ans de prison et fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Les anciens ministres de l’Industrie Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi écopent de 10 ans d’emprisonnement, a annoncé le président de la cour. Il a également infligé 5 ans de prison ferme à l’ancienne préfète Nouria Yamina Zerhouni.


D’autres personnages puissants, tels que le fils de M. Sellal ,Ali Haddad, PDG du n° 1 privé du BTP algérien, ou encore Ahmed Mazouz, Hassen Arbaoui et Mohamed Bairi, tous propriétaires d’usines de montage de véhicules, ont été condamnés à des peines de 3 à 7 ans de prison.


 


Scandales et procès en cascade


Une partie des avocats ont boycotté le procès, dénonçant une « parodie de justice » et un climat de « règlement de comptes ». Le procès s’est penché sur un vaste scandale de l’industrie automobile algérienne et des accusations de financement illégal de la dernière campagne électorale de M. Bouteflika.


« Certains hommes d’affaires géraient des sociétés-écrans tout en bénéficiant d’indus avantages fiscaux, douaniers et fonciers », a souligné le procureur, cité par les médias, dénonçant un secteur dominé par « le népotisme et le favoritisme ». Le scandale automobile a entraîné une perte pour le Trésor public estimée à plus de 128 milliards de dinars (975 millions d’euros), selon le chiffre donné par l’agence officielle APS, tandis que la campagne électorale « a occasionné une perte au Trésor public estimée à 110 milliards de dinars » (plus de 830 millions d’euros), a accusé le procureur.


D’autres procès attendent certains des accusés, cités dans d’autres volets des vastes enquêtes relatives à des faits présumés de corruption, ouvertes depuis le départ du président Bouteflika et soupçonnées de servir opportunément des luttes de clan au sommet dans l’après-Bouteflika.


« L’Algérie d’avant le mois de février et l’Algérie de maintenant n’est pas la même (…) Nous sommes ici pour appliquer la volonté du peuple (…) Nous voulons un procès historique et (une) morale pour celui qui veut en tirer des enseignements », avait martelé dimanche le procureur avant de conclure le procès.