Un héros de la guerre d’indépendance arrêté

 Un héros de la guerre d’indépendance arrêté

Lakhdar Bouregaâ


A quelques jours de la célébration du 5 juillet, « l’indépendance day » algérien, l’arrestation ce dimanche 30 juin de Lakhdar Bouregaâ, héros de la guerre d’Algérie, puis son placement en mandat de dépôt, a suscité de vives réactions chez les Algériens. Entre stupeur et dénonciation, beaucoup d’internautes ont exprimé leurs marques de sympathie et de soutien envers l’ancien combattant. 


Vétéran de la guerre d’indépendance et ancien commandant de l’Armée de libération nationale (ALN), Lakhdar Bouregaâ, 86 ans, a été placé dimanche 30 juin en détention provisoire pour « outrage à corps constitué et atteinte au moral de l’armée ». Il encourt jusqu’à dix ans de prison.


Lakhdar Bouregaâ a été arrêté samedi 29 juin à son domicile algérois par deux hommes en civil qui s’étaient présentés comme des militaires, selon son petit-fils, Imad Bouregaâ. Détracteur féroce du régime et du chef de l’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, l’ancien maquisard l’avait accusé de vouloir imposer « son » candidat lors d’un futur scrutin présidentiel :


« Le pouvoir a déjà le nom du futur président de la République et cherche un moyen pour le légitimer », estimait-il le 27 juin. C’est cette déclaration qui aurait conduit à son arrestation, selon Imad Bouregaâ.


Né en 1933, Lakhdar Bouregaâ avait rejoint l’ALN en 1956. Commandant de bataillon dans la « Wilaya 4 », dans le centre du pays, il s’opposa à la prise du pouvoir à l’été 1962 par « l’armée des frontières », les unités de l’ALN stationnées au Maroc et en Tunisie, dirigées par le colonel Boumédiène, qui formeront le socle du nouveau régime après l’indépendance.


Le Front des forces socialistes, le plus ancien parti d’opposition d’Algérie, dont Lakhdar Bouregaâ est l’un des membres fondateurs, a exprimé sa « colère » et sa « consternation » tandis que la principale formation islamiste, le Mouvement de la société pour la paix – qui jusqu’à présent refusait de condamner les arrestations d’opposants – appelle à la « libération immédiate du moudjahid Lakhdar Bouragaâ ».


« L’arrestation du moudjahid Lakhdar Bouregaâ est une insulte à l’ALN », a estimé de son côté l’universitaire Lahouari Addi. «Comment invite-t-on à un dialogue national et emprisonner au même moment l’un des géants de la Guerre de Libération nationale», a écrit pour sa part le journaliste Hmida Ayachi.


Le vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), Saïd Salhi, est allé dans le même sens en affirmant qu’« il ne peut y avoir ni dialogue, ni négociations, ni présidentielle, ni solution politique dans un climat de dictature et de répression. » 


Un collectif national d’avocats s’est constitué pour défendre Lakhdar Bouragaâ alors que les arrestations se sont poursuivies ces derniers jours. En plus de M. Bouregaâ, seize manifestants, dont une élue de l’assemblée territoriale de la wilaya de Tizi-Ouzou (Kabylie) ont été placés en détention provisoire par la justice algérienne. Tous avaient été arrêtés vendredi 28 juin pour port d’un « emblème autre que le drapeau national ».


Le général Ahmed Gaïd Salah, l’homme fort du régime, a fait savoir mi-juin qu’aucun autre drapeau que l’emblème national ne serait désormais toléré dans les défilés, où les emblèmes berbères étaient très présents depuis le début des manifestations. Depuis le 21 juin, 34 personnes, arrêtées en possession de drapeaux berbères, ont été inculpées pour « atteinte à l’unité nationale ». Elles risquent dix ans de prison.