Tourisme et patrimoine culturel (2ème partie)
La mise en tourisme en Algérie est une grande entreprise appelée à mobiliser des connaissances, des expertises et de l'expérience. Analyse et propositions.
I- Œuvrer à l’équilibre
1- Préparer le regard
Le désir du rivage à l’origine du voyage doit céder la place au besoin d’un laissez- passer pour la culture. Il faut vouloir aller à la recherche de l’autre, de l’authenticité, d’une véritable expérience culturelle.
Il ne s’agit plus de satisfaire une excitation à la consommation, il faut une prédisposition, une aptitude à réagir, à s’émouvoir.
L’année de travail ne fatigue pas seulement, elle contribue à dépersonnaliser et à déculturer l’individu.
Alors, le touriste doit faire preuve d’une ouverture d’esprit, se préparer aux impressions fécondes, aux souvenirs formateurs, à l’enrichissement personnel.
La diversité du monde aide à se dépasser, à relativiser son système de valeurs, à montrer pour l’autre de l’intérêt, du respect puis de l’estime.
Le tourisme culturel est rapprochement et réciprocité.
Et la réciprocité veut que le touriste, qui n’est pas ce passant désinvolte, soit accompagné assisté dans ses découvertes.
2- Se préparer à accueillir
Le tourisme culturel n’est pas l’occasion de se pâmer devant un objet inerte mais une occasion de réfléchir et d’élargir son appréhension du monde.
Aucun monument ne peut être considéré isolément, la valeur architecturale, historique et artistique est liée à son environnement, à un contexte.
Il faut donc une mise en tourisme rationnelle. Le touriste a droit à une sensation profonde de ravissement dans laquelle s’associent le sentiment et l’intelligence.
Mais la diversité ne doit pas être un prétexte au narcissisme et au repli identitaire.
Il ne faut ni folkloriser ni coloniser l’histoire à l’envers, il faut tout simplement assumer tout son passé.
Amin Malouf écrit dans « Identités meurtrières » : « Il m’arrive de faire quelques fois ce que j’appellerais mon examen d’identité comme d’autres font leur examen de conscience ».
C’est pourquoi il faut impliquer tous les acteurs de la culture et du patrimoine et s’appuyer sur l’apport de la recherche scientifique et une médiation sincère pour une authentique rencontre.
3- Se rencontrer
Le tourisme est un phénomène complexe, culturel, il est un vecteur de paix et une école de tolérance.
Le patrimoine dans toutes ses composantes est un témoignage du passé et aussi du présent sur la créativité et l’imaginaire des hommes.
Il est le moyen le plus sur et le plus efficace d’engager le dialogue des cultures et de concevoir l’interculturalité.
Il transforme le divertissement et le délassement en un moment utile, en un rendez-vous avec ses racines, en un échange avec l’autre, en une valorisation de soi.
L’homme ne se définit pas en intériorité seulement (caractère, érudition livresque, vertus, compétence) mais aussi par son extériorité (rapport à l’autre, à l’environnement, réactivité).
Mais le besoin de savoir ne doit ni agresser le patrimoine, ni être agressé par la manipulation des faits historiques.
Les garanties d’une rencontre authentique sont l’exactitude, la vérité et la sincérité.
II- Une médiation nécessaire
1- La médiation institutionnelle
La part du patrimoine est certainement dans les sites archéologiques, les monuments historiques, les ksours et les médinas mais elle est aussi dans les techniques artisanales et les savoir-faire traditionnels.
De même que l’animation intelligemment déclinée participe à la relation de l’histoire commune.
Il s’agit en fait d’une véritable « économie des services patrimoniaux » à laquelle doivent prendre part toutes les institutions concernées à commencer par la recherche scientifique, les départements de la culture et de l’artisanat ainsi que l’éducation nationale.
La contribution de toutes les institutions à une gestion intégrée fondée sur la responsabilité, la concentration, la sensibilisation et la solidarité.
2- Le détour médiatique
La communication touristique est sensible et symbolique à tous les niveaux de son processus.
La loi du marché la tire vers la facilité, le cliché, le stéréotype. Elle est tentée d’exploiter la nostalgie, le sentiment de paradis perdu, d’occulter des faits historiques ou d’enjoliver un passé.
Mais elle n’est pas tenue de produire une mise en scène pour éviter d’écorcher le rêve de communiquer en superficie juste pour attirer.
Il s’agit d’intéresser et de faire aimer, de transmettre en profondeur.
L’image publicitaire, car il en faut une, doit être une véritable création culturelle : elle organise les particularismes en une stratégie unificatrice et évolutive, elle donne de la personnalité au patrimoine.
C’est la voie la plus sûre et la plus pérenne pour s’intégrer dans le processus de communication moderne et promouvoir son produit sur le marché international.
Conclusion
« …Tout les peuples de l’intérieur des terres ont regardé depuis l’aube des temps vers la Méditerranée…Une attirance irrésistible et une séduction extraordinaire…Des sites sacrés et des sites symboliques qui transmettent des connaissances et permettent des expériences riches et formatrices.
Mais comment maîtriser et canaliser l’attrait puissant des sites du Patrimoine Mondial de la Méditerranée afin que ces ressources, non-renouvelables, soient conservées dans leur authenticité et leur intégrité et qu’elles participent au développement d’une inter-culturalité et d’une Méditerranéité… ». Mme. Claude MOULIN, Professeur de Sciences Sociales, Université d’Otawa – « Forum International sur le Tourisme Culturel », Hammamet du 2 au 25 octobre 1997.
M. Abbou
Algérie. Tourisme et patrimoine culturel (1ère partie)