Que veulent les Kabyles ?
Encore une fois, le gouvernement algérien est en train de rater un de ces rendez-vous avec l’histoire qui ne repassent pas deux fois. Il a suffit que les Kabyles donnent de la voix (droit du peuple kabyle à son autodétermination dans le cadre de la 70ème session de l’Assemblée générale de l’ONU) pour que les généraux d’Alger paniquent. Ordre a ainsi été donné aux médias du pays de faire l’impasse sur tout ce qui a trait à la Kabylie.
« Nous avons reçu des instructions fermes du DRS de ne rien relater, rien, aucun mot, ni même de faire allusion aux interventions à l’ONU en faveur du projet d’autodétermination de la Kabylie », a confié au journal électronique Tamurt, le rédacteur en chef d’un journal francophone algérien à grand tirage.
« Cette instruction ne concerne pas seulement notre quotidien, mais aussi tous les organes de presse, journaux, radios, télévisions et sites d’information algériens. La preuve, à ce jour, aucun journal n’a parlé de cette affaire » précise l’interlocuteur en question.
Le journal ajoute que la même consigne, assortie de menaces a été imposée aux hommes politiques, « Ni Louiza Hanoun ni aucun autre parti politique algérien et même kabyle n’a osé souffler mot sur l’exploit du Gouvernement Provisoire Kabyle ».
Que ce soit le Maroc, par le biais de son représentant à l’ONU, qui ait déposé la demande ne change rien au fond du problème : « les aspirations légitimes du peuple autochtone de la Kabylie sont toujours bafouées au XXIe siècle. Ses droits humains sont violés au quotidien, ses représentants légitimes sont persécutés et ses leaders pourchassés, y compris quand ils sont en exil et l’ONU est bien dans l’obligation politique de réparer cette injustice historique à l’égard des Kabyles ».
C’est d’ailleurs sur la demande de Ferhat Mnebhi, le président du Gouvernement Provisoire Kabyle que le royaume a fait porter la voix des Kabyles à l’ONU.
Que veulent en fait les Kabyles ? Dans un essai remarquable intitulé « Algérie : la question Kabyle », Ferhat Mnebhi (encore lui) explique que ce peuple oublié, nié dans un pays qui a sombré dans le chaos, a pourtant toujours préservé sa spécificité berbère. Férocement attaquée par la colonisation, niée par l'Algérie indépendante, la Kabylie est aujourd’hui victime d'une répression sanglante. De révoltes en émeutes, les Kabyles qui ne demandent pourtant que l’instauration d’un ordre démocratique pour tous en Algérie, se sont retrouvés isolés dans leur combat.
Boualem Sansalest allé encore plus loin. Dans une interview, réalisée au lendemain de la remise du « Prix de la paix 2011 » des éditeurs et libraires allemands, l’écrivain à succès avait expliqué « qu’en Algérie, la seule région qui lui semble prête à mener une révolution est la Kabylie. La Kabylie possède une société très homogène qui a beaucoup émigré, avec une grande expérience de la modernité. Et puis, c'est une région qui a toujours lutté contre les invasions ».
« Le peuple est en désarroi et est en mesure de faire une révolte mais c'est à la société civile de l'aider à aller d'une révolte vers une révolution et je ne vois que la Kabylie à être en mesure de réaliser cela », a-t-il estimé.
Paradoxalement, cette nouvelle poussée de fièvre kabyle devrait pousser le gouvernement algérien à retourner la situation en faisant une grande annonce pour la reconnaissance des droits de ce peuple si fier. Sans doute, pas pour sauver un régime moribond mais au moins, pour l’histoire.
Abdellatif El azizi