Algérie : nouvelles disposition pour museler davantage les médias en ligne

 Algérie : nouvelles disposition pour museler davantage les médias en ligne

RSF a déployé une affiche géante en soutien au journaliste algérien emprisonné Khaled Drareni. Photo RSF

L’Algerie vient de décider de nouvelles dispositions pour contrôler les médias en ligne, sur le plan technique et éditorial. Les journalistes dénoncent un verrouillage médiatique extrême dans un pays où ils sont déjà étroitement surveillés.

Près d’un an après le début de l’ère Tebboune, les Algériens voient s’éloigner chaque jour un peu plus les espoirs soulevés par le Hirak. Depuis l’élection du successeur d’Abdelaziz Bouteflika, le nouveau régime n’a eu de cesse de refermer la page ouverte par le mouvement populaire. La répression contre les militants et les journalistes s’emploie à faire taire l’opposition.

Le décret mis en ligne mardi constitue une étape supplémentaire dans le musellement des voix dissonantes. Le nouveau texte soumet les médias électroniques d’Algérie à de nombreuses autorisations et vérifications. Il stipule également que l’activité d’information en ligne doit être exercée par une personne de nationalité algérienne.

Les organes de presse doivent notamment délivrer de nombreuses informations concernant leur hébergement, leur financement et conserver une archive de tous leurs contenus pendant au moins six mois. Les sites publiant en langue étrangère — en français par exemple — doivent obtenir l’accord de l’autorité chargée de la presse électronique.

L’hébergement des sites doit désormais être « exclusivement » en Algérie avec un nom de domaine « .dz ». La grande majorité des sites préfèrent des hébergeurs à l’étranger, principalement pour des raisons techniques et de bureaucratie. Les médias électroniques disposent d’un délai de douze mois pour se conformer à ces dispositions.

Ces nouvelles règles sont censées « faciliter l’organisation de la profession » en dressant « une cartographie des médias », selon ministre de la Communication, Ammar Belhimer. Il s’agit pour lui de participer à la lutte contre le discours de haine et de désinformation.

 

Durcissement tous azimuts

Les professionnels des médias en ligne en Algérie rejettent ce nouveau durcissement. Ils dénoncent un verrouillage médiatique extrême et un régime d’autorisation très contraignant. Internet fait en effet l’objet d’un contrôle croissant en Algérie, touchant à la fois aux publications des sites web et des internautes critiques à l’égard du pouvoir sur les réseaux sociaux.

L’entrée en vigueur de ce décret intervient dans le sillage d’autres amendements législatifs, comme la réforme du Code pénal adoptée en avril. Celui-ci vise à criminaliser la diffusion de fausses nouvelles. Mais, la société civile le dénoncent comme une grave menace à la liberté d’expression et de la presse.

Au moins une dizaine de sites d’information ont été censurés par les autorités au cours de l’année 2020, à l’instar de Radio M, Maghreb Emergent, Interlignes ou Casbah Tribune. Parmi eux, certains ont été accusés de toucher des financements étrangers et traduits en justice. Le correspondant de RSF et TV5, Khaled Drareni, a été ainsi condamné mi-septembre en appel à deux ans de prison ferme. Les autorités ont ignoré les multiples appels, en Algérie et à l’étranger, au respect de la liberté de la presse.

L’Algérie figure à la 146e place du classement mondial de la liberté de la presse 2020 de Reporters sans Frontières. Un recul de près de 30 places par rapport à 2015.