Algérie. Levée de boucliers des éditeurs de presse contre la réforme du secteur

 Algérie. Levée de boucliers des éditeurs de presse contre la réforme du secteur

Une nouvelle loi sur l’information devrait être présentée au Parlement algérien en décembre. Sauf que le texte est d’ores et déjà attendu de pied ferme par la presse algérienne et ses éditeurs : à la fois étranglé économiquement et politiquement, le secteur semble décidé à se liguer contre ladite loi, selon Africa intelligence.

Grèves ouvertes de journalistes, fermetures tous azimuts, censure, faillites… La presse algérienne traverse actuellement sa plus grave crise depuis la consécration, en 1990, du pluralisme médiatique. La situation est telle que le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, a appelé le 21 octobre dernier à l’accélération du processus de révision des textes de loi relatifs à la presse écrite, audiovisuelle et électronique.

Des amendements qui devraient concerner aussi bien le statut du journaliste que les modalités d’organisation de la profession. Les éditeurs sont en effet nombreux à se plaindre des lenteurs bureaucratiques qui entravent la prospérité du secteur de la presse, menaçant un grand nombre de titres d’asphyxie.

 

Le Quotidien El Watan sous perfusion

N’étant pas en mesure de s’acquitter de leurs dettes, de nombreux titres sont ainsi aujourd’hui menacés de fermeture. Les mieux lotis d’entre eux sont à peine capables de conclure un échéancier avec les imprimeries. C’est notamment le cas du plus grand journal francophone, El Watan, l’un des rares médias francophones encore ouvert à l’opposition,  qui lutte ces derniers mois pour sa survie. Le collectif des rédacteurs de ce journal, dont les salaires n’ont pas été versés depuis le mois d’avril 2022, a entamé une grève illimitée depuis le 16 septembre dernier. Les actionnaires ont toutefois mobilisé leur entourage pour pallier l’absence de journalistes et remplir les éditions.

La direction d’El Watan a, selon la même source, intenté le 19 octobre un procès en référé pour invalider le mouvement de grève. Le tribunal d’Alger a débouté les plaignants sur la forme, en attendant le verdict sur le fond par le tribunal social.

 

L’insurmontable poids des dettes

Mais en dépit de cette situation alarmante, la nouvelle loi que prépare le gouvernement ne sera présentée au vote des députés de l’Assemblée populaire nationale que le 31 décembre prochain.

Dans une note adressée dès la mi-août au ministère de la communication, certains éditeurs de la presse privée ont mis en garde contre « la poursuite de la politique actuelle faite de pressions de la part des services des impôts et des imprimeries publiques qui accablent les entreprises de journaux de dettes de plus en plus insurmontables ». En clair, ils accusent les pouvoirs publics d’avoir abandonné la presse privée, livrée à elle-même.

Afin de sortir de cette impasse, les éditeurs réclament la réactivation du fonds d’aide à la presse, qui avait été gelé depuis 2014, et qui pourrait prendre diverses formes : attribution de subventions pour l’importation du papier, paiement de l’abonnement internet, accompagnement des journaux dans le développement de leur site web, etc.

Les auteurs du document imputent également l’imbroglio actuel à la décision prise en pleine pandémie de Covid-19 par l’ex-ministre de la communication, Ammar Belhimer, d’attribuer 110 agréments à de nouveaux titres, avec la promesse de bénéficier de la publicité publique, via l’Agence nationale d’édition et de publicité. L’exécutif algérien peut de cette façon asseoir son emprise sur les médias, via la distribution de la publicité institutionnelle.

 

>> Lire aussi : Alger pourrait annoncer l’achat d’armes russes pour 12 milliards de dollars