Les « trolls » pro-régime ont lancé la contre-offensive

 Les « trolls » pro-régime ont lancé la contre-offensive

Les réseaux sociaux constituent un terrain d’affrontement majeur entre pro et anti régime.


Les réseaux sociaux, où est né et continue de s’exprimer massivement le mouvement de contestation populaire algérien (« Hirak »), sont devenus le terrain d’une contre-offensive de « trolls » pro-régime à l’approche de la présidentielle contestée du 12 décembre.


#Algérie_libre_démocratique, #Qu’ilsDégagentTous, #Non_à_l’élection_des_bandits : Facebook et Twitter sont, pour les Algériens mobilisés contre le « système » au pouvoir, des plateformes libres d’expression où les slogans de la rue se muent en hashtags et où les dirigeants sont critiqués ou raillés.


En février, c’est sur les réseaux sociaux qu’est né ce mouvement inédit, à coups d’appels à manifester et de hashtags contre la candidature à un 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika, finalement contraint à démissionner en avril après 20 ans à la tête de l’État. C’est aussi là que les Algériens ont pris la mesure de « l’humiliation » et des railleries provoquées à l’étranger par un président devenu impotent et aphasique, après un AVC en 2013.


Mais à l’approche de la présidentielle organisée par le pouvoir le 12 décembre, et massivement rejetée par la contestation, « trolls » –ces internautes malveillants semant la discorde sur les réseaux sociaux– et « bots » –logiciels automatiques– multiplient les actions pour faire barrage et discréditer les partisans du « Hirak ».


Dès l’annonce, mi-septembre, de la date de la présidentielle, deux hashtags se sont soudainement répandus sur Twitter, #L’Algérie_vote et #Ne_parle_pas_en_mon_nom, destinés à contrer les appels à l’abstention du « Hirak » qui voit dans le scrutin un moyen pour le régime de se régénérer.


 


La bataille se jour aussi largement sur les réseaux sociaux


Marc Owen Jones, professeur assistant à l’Université Hamad Ben Khalifa de Doha, a analysé plus de 20 000 tweets contenant ces deux hashtags. Un nombre significatif de comptes les ayant émis étaient « suspects, générés par des “trolls” ou des “bots” », affirme l’universitaire, qui étudie notamment la propagande et la désinformation sur les réseaux sociaux arabes. « Un nombre important de comptes a été créé en septembre, dont une importante proportion en deux jours à peine », indique-t-il.


Les membres du « Hirak » accusent également « les mouches électroniques », nom qu’ils donnent aux « trolls », de diffamation en ligne, de détourner leurs slogans et hashtags, mais aussi de signaler massivement leurs pages, aboutissant à leur suspension ou fermeture.


Les réseaux sociaux offrent en effet la possibilité de « signaler » du contenu « indécent » ou contraire aux conditions d’utilisation (violent, pornographique, raciste, sexiste…), mais quel que soit le contenu, des signalements nombreux déclenchent automatiquement une suspension. « Il est impossible de savoir qui se cache derrière ces attaques, leurs comptes sont anonymes, alors que les militants (du “Hirak”) agissent à visage découvert », souligne Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de Défense des droits de l’Homme (LADDH).


Les internautes algériens ont lancé une campagne numérique dénonçant la politique de Facebook, qu’ils accusent d’entraver leur liberté d’expression, et ont organisé en novembre des sit-in devant des bureaux de l’entreprise dans plusieurs capitales européennes. « Les Algériens comptent sur Facebook pour partager leurs idées face à un régime illégitime » et le réseau ne réagit pas face « aux discours haineux des trolls », a critiqué une association estudiantine sur sa page.


« Face au verrouillage médiatique, Facebook est le dernier recours pour les activistes, mais c’est aussi un espace d’informations pour les services de sécurité », selon Saïd Salhi. Jeudi, le parquet d’Oran (350 km à l’ouest d’Alger) a requis 18 mois de prison ferme contre le dessinateur Abdelhamid Amine dont les œuvres grinçantes mettant en scène les dirigeants algériens sont largement diffusées sur les réseaux sociaux.


Selon Human Rights Watch (HRW), les dossiers judiciaires des manifestants poursuivis « montrent qu’une brigade spécialisée dans la lutte contre la cybercriminalité surveille les activités sur les réseaux sociaux ». Les éléments qu’elle rassemble « forment la base d’accusations à la formulation vague d’atteinte à la sûreté de l’État ou à l’unité nationale », s’inquiète l’organisation de défense des droits humains.


(Avec AFP)