Algérie. Le difficile combat des journaux

 Algérie. Le difficile combat des journaux

Crédits photos : Emmanuel Macron – Bertrand GUAY / AFP ; Abdelmadjid Tebboune – Ludovic MARIN / AFP

Les occasions de défendre la presse algérienne se raréfient à mesure que l’incarcération des journalistes s’intensifie et que plusieurs organes de presse font profil bas pour éviter d’être blacklistés par les autorités du pays mais, disons-le tout de suite, les journaux algériens continuent d’opposer à la guerre sans merci menée contre les organes de presse, une liberté de ton qu’il ne faudrait pas cesser de saluer.

Quand le Matin d’Algérie traite de la crise entre l’Hexagone et l’Algérie, il ne fait pas dans la dentelle puisqu’il n’hésite pas à titrer « Alger – Paris : la guerre des mots s’intensifie » et le ton de l’article n’est guère complaisant envers le pouvoir d’Alger.

Si on apprend que « le ton n’en finit plus de monter entre Paris et Alger », le journal n’omet pas de rappeler que « dans son discours de fin devant les deux chambres, Abdelmadjid Tebboune a apporté de graves accusations contre le détenu Boualem Sansal. « Vous envoyez un imposteur, une personne sans identité qui ne connaît pas son père et qui ose prétendre que la moitié de l’Algérie appartenait à un autre pays ! », avait déclaré le chef de l’État algérien. Il est pour le moins manifeste qu’il y a ici de la part de Tebboune une grave atteinte à la dignité de Boualem Sansal » !

La veille, Emmanuel Macron avait exhorté Alger à libérer Boualem Sansal. « L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner », a-t-il martelé devant les ambassadeurs français réunis à l’Élysée (vidéo à 01:40:40). Ajoutant que ce « combattant de la liberté » est « détenu de manière totalement arbitraire par les responsables algériens ».

Très critique envers le pouvoir algérien, sans être sacrilège, Boualem Sansal, 80 ans, est incarcéré « pour atteinte à la sûreté de l’Etat » (sic), après son interpellation à son arrivée à l’aéroport d’Alger, et se trouve dans une unité de soins depuis la mi-décembre. Le crime de Sansal ? L’expression d’une simple opinion sur le fait que l’affaire du Sahara occidental était un dossier artificiel et surtout que le territoire du royaume avait été tronqué par la colonisation française au profit de l’Algérie. Le pouvoir algérien a très mal pris ces déclarations de Sansal exprimée dans un journal français Frontières, proche de l’extrême droite.

En tout cas, on a trop tendance à se focaliser sur les quelques journaux financés en sous-main par les services secrets algériens et qui défendent tous le même narratif « tous ceux qui critiquent le pouvoir sont des agents payés par l’ennemi étranger », un ennemi qui change au gré des circonstances même si le voisin de l’Ouest, le Maroc détient toujours la palme de l’ennemi juré.

Pour ne citer que le cas du « Matin », ce journal, qui a vu le jour en 1991 grâce à des journalistes émargeant au Pags (Parti de l’avant-garde socialiste), avait réussi à rassembler un lectorat important à travers ses quatre éditions quotidiennes, avant d’être suspendu en 2004. Résultat, le Matin va basculer sur le web en changeant de nom « Le Matin d’Algérie » en octobre 2007, privilégiant toujours l’information au détriment de l’opinion. Comme de nombreux titres algériens, il a su garder une liberté de ton que beaucoup d’autres organes ont perdu sous les coups de boutoir de la répression.

Il faut reconnaître que la nouvelle loi sur l’information conséquente de la répression méthodique du mouvement populaire du Hirak, a été accompagnée de la publication de nombreux décrets régissant étroitement la production journalistique et imposant une seule voix, celle de la communication officielle imposée par le pouvoir.

En même temps, il y a la carotte de la publicité orchestrée par la centrale gouvernementale de publicité, l’Anep qui a tenté par ce levier indispensable à la survie des titres, de domestiquer les rares journaux qui résistent encore.