Algérie : La manifestation des étudiants interdite, plusieurs journalistes arrêtés
Les autorités ont interdit la marche hebdomadaire des étudiants pour la troisième semaine consécutive. Elles ont également procédé à de nombreuses arrestations. Plusieurs journalistes ont ainsi été brièvement placés en détention.
« Aujourd’hui, la dérive se poursuit, le ministère de l’Intérieur décide de mettre à exécution sa décision autoritaire. Il interdit les marches et procède à plusieurs arrestations à Alger, à Tizi Ouzou et à Béjaïa », a indiqué Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH). M. Salhi s’indigne de l’interdiction et de la répression de la manifestation des étudiants. Il a aussi déploré « des interpellations d’étudiants, de militants, de journalistes et de photographes ».
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Pour la branche de Reporters sans frontières (RSF) en Afrique du Nord, « la répression s’intensifie ». Elle affirme que la police a arrêté cinq journalistes mardi et les a « conduits au commissariat d’Alger » : Sami Kharoum, du quotidien francophone El Watan ; Khaled Drareni, fondateur du site Casbah Tribune et correspondant de TV5 Monde et de RSF ; Feriel Bouaziz, du site d’informations Interlignes ; Hakim Hammiche, photographe de Tariq News ; et Mustapha Bastami, du journal arabophone El Khabar. Un autre journaliste de Tariq News, Abdessamad Titraoui, a également été interpellé, selon le directeur de ce site.
Tous les journalistes sont ressortis en fin d’après-midi, « mais sans recevoir d’explication sur ce qui les a conduits à passer cinq heures au commissariat, sans être interrogés, et à voir leur carte d’identité et leur téléphone confisqués », a précisé à l’AFP Souhaieb Khayati, directeur du bureau Afrique du Nord de RSF. L’objectif est selon lui d’« empêcher et dissuader les journalistes de couvrir les manifestations du Hirak, qui, n’en déplaise aux autorités, sont une réalité », a-t-il relevé. RSF a appelé « les autorités algériennes à cesser le harcèlement des journalistes ».
L’ONU exprime sa préoccupation
À l’approche des élections législatives anticipées du 12 juin, rejetées par le Hirak, la répression ne cesse de s’accroître en Algérie, estiment les organisations de défense des droits humains. L’ONU est « de plus en plus préoccupée » par la situation en Algérie. Des droits fondamentaux, comme les droits à la liberté d’opinion et de réunion pacifique, « continuent d’être attaqués », a indiqué mardi le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à Genève.
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« Nous demandons instamment aux autorités algériennes de cesser de recourir à la violence pour disperser les manifestations pacifiques et de mettre fin aux arrestations arbitraires et aux détentions de personnes ayant exercé leurs droits à la liberté d’opinion, d’expression et de réunion pacifique », a indiqué Rupert Colville, un porte-parole du Haut-commissariat.
🇩🇿 #Algeria: We urge the Algerian authorities to stop using violence to disperse peaceful demonstrations and to halt arbitrary arrests and detention of individuals for exercising their rights to freedom of opinion, expression and peaceful assembly 👉 https://t.co/s2RbWcFMzE pic.twitter.com/7gFyadISIL
— UN Human Rights (@UNHumanRights) May 11, 2021
Harcèlement des manifestants
Certains manifestants arrêtés les semaines précédentes avaient été relâchés après avoir été contraints de signer un document au commissariat. Ils s’engageaient à ne plus participer aux marches hebdomadaires sous peine d’incarcération pour récidive, selon M. Salhi. Le ministère de l’Intérieur a rappelé dimanche que les marches hebdomadaires du Hirak devaient faire l’objet d’une « déclaration » préalable. Le non-respect de cette procédure « dénue la marche de tout caractère légal » et « implique un traitement en conséquence », avait-il prévenu.
Les manifestants avaient changé leur parcours, vendredi, pour éviter les nombreux cordons de sécurité et véhicules de police. Selon le Comité national de libération des détenus (CNLD), plus de 70 personnes sont actuellement en prison pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles.
Né en février 2019 du rejet massif d’un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, le Hirak réclame un changement radical du « système » politique en place depuis l’indépendance, en 1962.