« Jeûner fait du bien à l’esprit mais aussi au corps. Après un mois de ramadan, je me sens toujours en meilleure forme », Nora, habitante d’Amizour
« En Algérie, on avait pris l’habitude de ne pas copier les autres, surtout l’Arabie Saoudite, un pays avec qui on n’est pas spécialement ami », raille Taous, étudiante de 24 ans en master de communication, originaire de Béjaia, la deuxième plus grande ville de Kabylie après Tizi Ouzou. « Cette fois-ci, l’Algérie fera comme tout le monde : le ramadan commencera bien demain (Ndrl Jeudi 18 juin) ».
Il est 11h du matin, mercredi 17 juin et Taous préfère ne pas trop tarder pour aller faire ses courses. « A partir de 15h, il y aura trop de monde. Surtout les boucheries, elles vont être prises d’assaut », précise la jeune femme.
A une vingtaine de kilomètres de là, à Amizour, petite bourgade de 37OOO habitants, connue pour son côté "rebelle", Arezki prend un café dans l’un des nombreux bistrots de la ville. « Dans les années 2000, il y a eu énormément d’émeutes », confirme Arezki, un électricien d’une quarantaine d’années : « Surtout entre 2002 et 2005 où c’était le chaos : il n’y avait plus d’Assemblée populaire ici. Aucune élection était organisée ».
Il n’en reste pas moins que contrairement à sa « collègue » de Tizi-Ouzou, aucun rassemblement de non-jeûneurs n’est prévu ici. En juillet 2014, plusieurs dizaines de personnes avaient participé à un rassemblement sur la place de l’Olivier à Tizi Ouzou pour défendre « la liberté de conscience et de culte ».
« Nous sommes Kabyles mais nous sommes musulmans », rappelle Mohand, menuisier, qui espère bientôt partir à la retraite : « Nous savons que certaines personnes ne font pas le ramadan à Amizour mais ils restent discrets. A titre personnel, ça ne me dérange pas. Les gens sont libres, juste qu’ils ne provoquent pas ceux qui le font », continue le sexagénaire. « Surtout que nous sommes en été et avec la chaleur, la longueur des journées, on peut très vite s’énerver », dit-il.
Cette année, curieusement, le temps est relativement doux mais cela ne va pas durer. Il est prévu que dans les prochains jours, les températures montent. « La semaine dernière, il faisait 40 degrés, raconte Nora, une infirmière qui vit juste à l’extérieur d’Amizour. « Alors, on s’attend à ce que cela soit difficile cette année », continue-t-elle. « Nous devons jeûner quand le soleil se lève, c'est-à-dire vers 3h du matin, jusqu’au coucher. Ce sera aux alentours de 20h15, 20h30 », explique Nora.
« Ça sera difficile donc, mais c’est la foi qui nous guide alors on ira comme chaque année jusqu’au bout. J’aime le ramadan parce que ça me rend plus humble. C’est l’occasion de se rappeler que d’autres ne vivent avec pas grand-chose. Moi, hamdullah, j’ai un bon métier, une famille en bonne santé. Jeûner fait du bien à l’esprit mais aussi au corps. Après un mois de ramadan, je me sens toujours en meilleure forme », dit-elle encore. Nora est venue, elle aussi, comme beaucoup faire ses derniers achats pour la « grande fête du ramadan ».
A partir de demain, jeudi 18 juin et pendant un mois, tous les bars et restaurants de la ville seront fermés. « J’en connais quelques-uns qui ouvrent discrètement », confie Mourad, la vingtaine, qui ne fera pas le ramadan cette fois-ci. « J’ai des tas d’amis qui ne jeûnent pas. On ne mange pas devant les autres, c’est tout. C’est normal. On ne veut pas froisser les gens. L’Algérie est un pays musulman. Ne l’oublions pas », commente-t-il. « L’année dernière, ma sœur m’a surpris en train de boire », se souvient Mourad. « Elle ne m’a rien dit. C’est arrivé à d’autres aussi. Chacun fait ce qu’il veut. On n’est pas en Arabie Saoudite mais en Algérie », tacle le jeune homme. « Ici, on dit que seul Dieu est juge », conclut Mourad.
Nadir Dendoune