Algérie : Imbroglio administratif pour une défunte marocaine
Malgré l’enterrement de leur mère au Maroc, la famille de M. T. est encore sous le choc. Née à Sidi Bel Abbès, cette Marocaine de 76 ans est la fille de martyrs marocains qui ont oeuvré pour l’indépendance de l’Algérie. Parent d’enfants algériens, elle n’a pu être enterrée dans son pays natal et d’adoption. Derrière cette attitude scandaleuse, des services administratifs inhumains et obsédés par la sémantique conflictuelle actuelle.
L’émotion est à son paroxysme. A Oran, en France ou au Maroc, le refus de l’Algérie de permettre à Madame M. T. d’être enterrée, a du mal à passer. Une histoire comme il en existe des milliers entre deux pays riverains dont certains souhaitent que l’on oublie les destins liés par l’histoire, la culture et le sang.
Née à Sidi Bel-Abbès en Algérie en 1948, Madame M. T. est Marocaine d’origine. Elle a vécu toute sa vie entre l’Algérie et la France. Ses parents Marocains enterrés en Algérie, ont été des martyrs actifs qui sont venus aider ce pays frère à recouvrir leur indépendance. Mariée à un Algérien, M. T. n’a jamais mis les pieds au Maroc et a eu 4 enfants dont certains vivent en France et d’autres en Algérie. Installée au Mans, elle décède le 23 janvier dernier. Parmi ses dernières volontés : avoir la possibilité de se faire enterrer dans une commune proche d’Oran.
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Enquêtes et contre-enquêtes
Commence alors un parcours ubuesque que la famille de la défunte n’aurait jamais imaginé. Signalée au consulat d’Algérie à Nantes, une demande de rapatriement du corps est opérée par les services consulaires pour que le nécessaire soit fait. Après sa réception (n¨55), les services de la Wilaya d’Oran demande un avis aux services des Moudjahid sur l’enterrement. Avis favorable compte tenu du passif de la famille sur place. La gendarmerie d’Oran fait aussi correctement son travail en accordant la possibilité pour Madame M. T. de se faire enterrer dans la terre de son pays d’adoption.
Puis, les services de la Wilaya d’Oran demande une nouvelle enquête aux services des renseignements généraux algériens, la DGSN. Ce qui ne devait être qu’une formalité va soudain se transformer en inhumaine attention pour la famille. Alors que les corps des musulmans doivent être enterrés dans la journée, l’administration traine en longueur.
Pas de réponse ! En cause : la marocanité de la défunte de 76 ans, devenue soudain problématique. Durant plus de 20 jours, on laisse patienter les membres de la famille au Mans et à Oran. Coté algérien, on oblitère totalement toute son histoire familiale. Alerté par les associations d’Algériens en France, rien ne change.
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Un manque d’humanité
Confrontée à la volonté de leur mère de se faire enterrer en terre musulmane, la famille de M.T. décide finalement de se tourner vers le consulat du Maroc à Rennes. L’accord pour l’enterrement arrive le jour même. Le cercueil fait alors le voyage le 17 février 2024 sur le vol entre Orly et Rabat. Madame M.T. est finalement enterrée au Maroc, un pays qu’elle n’aura jamais connu de son vivant.
La peine est immense pour la famille de M.T. autant en France qu’en Algérie. De leur côté, les associations de la diaspora algérienne en France demandent aux autorités de comprendre d’où est venu pareil couac. De Bouarfa à Tlemcen, d’Oujda à Oran, ce « manque d’humanité » reste en travers de la gorge des communautés marocaines et algériennes aux histoires enchevêtrés depuis des millénaires.