Fin de mission pour Amar Saadani
Amar Saadani a démissionné, samedi 22 octobre, de son poste de secrétaire général du Front de Libération national (FLN) pour des « raisons de santé ». Un argument qui n’a pas convaincu grand monde.
À force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. Usant et abusant d’un style à l’emporte-pièce alliant invective et ironie, Amar Saadani a en quelque sorte creusé sa tombe de ses propres mains.
Frappant dans le tas en n’épargnant personne ou presque, (l’ancien patron des Services algériens, l’ancien secrétaire général du FLN, les fameux DAF (déserteurs de l’Armée française), …), le désormais ex-secrétaire général du FLN a fini par agacer ses sponsors politiques, à leur tête le cercle présidentiel qui a décidé de s’en séparer. Et la tenue de la réunion du comité central, samedi 22 octobre à Alger, a été une bonne occasion pour le président Bouteflika ou ses proches de fermer la parenthèse Saadani.
Certes, on a accordé à ce dernier le privilège d’une sortie plus au moins honorable, contrairement à nombre de ces prédécesseurs qui, par le passé, ont été débarqués comme des malfrats, par un coup d’Etat scientifique (Abdelhamid Mehri) ou des mouvements de redressements (Ali Benflis et Abdelaziz Belkhadem).
Samedi donc, Amar Saadani a présidé lui-même la session du comité central, puis soumis à ses pairs une sorte de motion de censure contre le secrétaire général du parti, c'est-à-dire lui, mais rejetée à une écrasante majorité avant d’annoncer, à la surprise générale, sa démission de son poste pour, disait-il, des « raisons de santé » et dans «l’intérêt du pays et du parti », précisait-il.
Et sur le champ, le même Saadani désigna son propre successeur, Djamel Ould Abbes, un proche parmi les proches – il est né à Tlemcen, l’épicentre du régime actuel -, et plébiscité sans coup férir.
La ficelle est un peu trop grosse pour ne pas voir là un scenario écrit à l’avance. Au vrai, personne ne croyait à la thèse d’une démission pour raison de santé alors que le même Saadani n’a donné aucun signe d’un départ proche, le 05 octobre 2016 lors de sa conférence de presse.
Bien au contraire, il s’est présenté dans la peau d’un homme sûr de son fait, prêt à en découdre avec ses adversaires et à s’engager dans la bataille des législatives du printemps 2017. Qu’est-ce qui a changé durant ce très court laps de temps ?
D’aucuns avancent la thèse d’un ralliement d’Amar Saadani au sous-clan dirigé par le chef d’état-major de l’Armée algérienne, Gaid Salah, à qui l’on prête une ambition présidentielle et qui aurait le don de provoquer l’ire des Bouteflika qui auraient ainsi décidé de retirer des mains de l’encombrant Amar Saadani les rênes de la machine électorale qu’est le FLN.
Au-delà de la véracité ou non d’une telle thèse, il est quasiment sûr que la départ de l’enfant de Ouargla de la direction du FLN a une relation avec la prochaine élection présidentielle. Dans son discours qui a suivi sa nomination, Djamel Ould Abbes a clairement signifié qu’il s’inscrit dans la perspective d’une réélection de Bouteflika, pourtant très malade, pour… un 5ème mandat. Et un Saadani à la tête d’un FLN, plus que jamais divisé, risque d’être un grain de sable pour un tel scenario.
En outre, les raisons qui ont permis à Amar Saadani de faire, en 2013, main basse sur la direction du parti ne sont plus là. Le général Toufik dégommé l’été 2015, l’utilité politique de l’ex-secrétaire général du FLN n’est plus de mise. D’où la fin de mission qui lui a été signifiée par qui de droit.
Yacine Ouchikh