Du low-cost dans le ciel algérien
Après avoir lancé l’été dernier des vols au départ de Roissy-CDG à destination d’Alger, puis de Chlef, ASL Airlines France annonce l’ouverture de deux lignes depuis Bordeaux et Toulon vers Oran. S’appuyant sur une politique tarifaire agressive, la compagnie rebat les cartes d’une liaison considérée comme très onéreuse.
Terminal T3, aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Il est midi, le vol ASL Airlines s’apprête à décoller pour Alger. Ce terminal excentré, destiné à accueillir les vols charters et ceux des compagnies low cost, s’est donc ouvert à l’horizon algérien. Héritière de l’Aéropostale, ASL (Airlines Support and Leasing) est née en 1991. Depuis sa création, et encore aujourd’hui, la compagnie aérienne propose pour le compte de tour-opérateurs (ou affréteurs) et à destination de la clientèle “groupes” des vols vers toute l’Europe, le bassin méditerranéen et l’Afrique.
Depuis peu, elle s’est également tournée vers la clientèle individuelle en lui proposant des tarifs attractifs. Que ce soit pour Halifax au Canada, Vienne en Autriche ou encore Oujda au Maroc, ces destinations, parmi d’autres, sont aujourd’hui à portée de sièges pour tous.
Mais, après la faillite d’Air Méditerranée, en février 2016, ASL s’est judicieusement positionnée pour reprendre les droits aériens pour l’Algérie. “Nous avons pensé qu’il y avait quelque chose à faire. Nous avons donc répondu à l’offre de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), et avons obtenu les liaisons entre Roissy, Alger et Chlef, ainsi que celles de Bordeaux et de Toulon vers Oran, que nous desservirons à compter de l’été 2018. D’abord saisonnières, les lignes d’Alger et de Chlef sont devenues régulières sur l’année. Entre Paris et Alger, par exemple, nous avons déjà mis en place six vols réguliers par semaine”, confie Jean-François Dominiak, directeur général de la compagnie. Par ailleurs, la desserte d’Alger au départ de Roissy-Charles-de-Gaulle passera à cinq fréquences hebdomadaires de juillet à septembre 2018, tandis qu’à destination de Chlef, la ligne sera reconduite chaque lundi sur la même période.
“C’est une ligne qui déteste le vide, alors quand une compagnie disparaît, la première qui met les moyens l’emporte”, résume Pierre Julien, journaliste spécialisé en aéronautique pour RTL, qui ajoute : “L’argument
majeur, c’est qu’il faut faire jouer la concurrence là où traditionnellement Air France et Air Algérie avaient un monopole. De nouvelles compagnies peuvent donc livrer leur partition en privilégiant la fidélisation, des tarifs abordables, des services irréprochables, une ponctualité sans faille, et certains produits que ne proposent plus les compagnies nationales.”
Un marché gigantesque
Il faut dire que depuis la France, le marché maghrébin apparaît comme gigantesque, juste derrière l’Europe et après les Etats-Unis : “Près de 14 millions de passagers volent annuellement entre la France, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie”, appuie le journaliste. Un marché de niche qui représente, pour la seule Algérie, cinq millions de billets émis chaque année. Comme le précise Jean-François Dominiak : “Le marché aérien algérien est essentiellement ‘affinitaire’, c’est-à-dire que ce sont des immigrés ou des enfants d’immigrés qui retournent régulièrement au pays.”
Les voisins marocains, eux, tirent profit de la concurrence entre tour-opérateurs et compagnies aériennes, arguant de tarifs très bas sur des destinations phares, comme Marrakech, pour ne citer qu’elle : “Le tourisme n’est pas une priorité pour l’Algérie, mais il l’est pour le Maroc. Face à ce positionnement, certaines compagnies proposent donc forcément des tarifs imbattables, dont bénéficient autant les Marocains que les vacanciers. En Algérie, il n’y a pour l’instant qu’un début d’ouverture. Même si le Sahara est toujours prisé par les Occidentaux, la question de la sécurité n’est pas encore gagnée.” Une allusion de Pierre Julien, le journaliste de RTL, aux années noires qu’a connues l’Algérie et aux peurs toujours bien présentes dans les esprits.
Ces dernières années, la communauté algérienne en France n’a eu de cesse de se plaindre des tarifs pratiqués par les opérateurs historiques sur les billets d’avion vers le “bled”. Des manifestations ont même eu lieu par le passé devant le siège d’Air Algérie, à Paris, dénonçant des prix exorbitants qui, l’été, peuvent atteindre 1 000 euros l’aller-retour. Soit bien plus cher qu’un Paris-Bangkok, couvrant pourtant sept fois plus de distance. Des tarifs rédhibitoires pour les familles des milieux populaires…
Des tarifs attractifs
Avec des prix d’appel imbattables, à partir de 379 euros l’aller-retour en classe business et 99 euros en classe éco, à destination d’Alger par exemple, ASL Airlines veut mettre un grand coup de pied dans les nuages : “C’est une ligne assez chère, c’est aussi pour ça qu’on est là. Mais nous sommes limités par le droit de trafic. On axe donc notre différence sur le rapport qualité/prix et sur l’accès à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle pour les nombreux passagers qui viennent des banlieues nord de Paris. Attention toutefois, nos prix seront majorés l’été venu, sans atteindre bien sûr certains excès constatés”, précise Eric Vincent, le directeur commercial d’ASL.
Hamid, rencontré à l’arrivée d’un vol Paris-Alger en classe business, n’en revient pas : “Le prix est incroyable ! D’habitude, je prends Air France, mais désormais, les lundis, mercredis et vendredis, je voyagerai avec cette nouvelle compagnie. De plus le T3 est très accessible.” Stéphanie, hôtesse depuis onze ans chez ASL, confirme : les passagers apprécient grandement les tarifs attractifs et le service à bord. De quoi donner des ailes à ASL Airlines ! Aujourd’hui, la compagnie – qui propose depuis le 1er novembre dernier une classe Premium Business – n’est cependant pas la seule à desservir l’Algérie. Se sont également positionnées les françaises Transavia (filiale d’Air France) et Aigle Azur, ou encore les algériennes Tassili Airlines et bien sûr Air Algérie.
“On souhaiterait pérenniser notre modèle, on y croit beaucoup. Mais en tant que dernier arrivé, il nous faut trouver notre place. Pour cela, nous comptons également sur le bouche-à-oreille. Nous savons que notre croissance ne peut être que modérée, car notre droit de trafic et notre nombre de sièges alloués sont trop limités. Avec 46 000 sièges annuels, c’est une goutte d’eau. Un quota que nous comptons toutefois faire évoluer”, conclut Eric Vincent.