Algérie / Corruption – Les dessous d’une campagne

 Algérie / Corruption – Les dessous d’une campagne

L’ex-PDG de la Sonatrach Abdelmoumen Ould Kaddour, extradé des Émirats arabes unis, à l’aéroport d’Alger le 4 août 2021.

Corruption – Est-ce que les vidéos d’un PDG menotté, bousculé par des flics à la mine patibulaire ont été bien étudiées pour soigner l’image déjà bien détériorée d’une race de patrons déjà bien malmenée en Algérie ? L’ancien PDG de Sonatrach, qui vient d’être extradé des Émirats arabes unis n’est pourtant pas n’importe qui.

 

Si l’ex-patron de la compagnie pétrolière est bien de tous les compromis et s’il y a bien eu compromission, elle ne fut possible que parce que la pompe à finance du système a été mise à contribution par tout ce que compte l’Algérie de galonnés, des présidents de la République aux généraux en passant par les gros pontes des services secrets.

Tout ce beau monde a pioché dans les caisses. Ce qui explique bien pourquoi la demande d’extradition d’Alger visant l’ex-PDG de la Sonatrach Abdelmoumen Ould Kaddour, qui dispose de la double nationalité française et algérienne, était si importante pour Alger au point où le Premier ministre Abdelaziz Djerad, avait été poussé à présenter sa démission, le 24 juin dernier avait fait de l’extradition d’Abdelmoumen Ould Kaddour, une condition sine qua non pour sa continuité à la tête du gouvernement algérien.

C’est dire combien Alger craignait que la boite noire de la Sonatrach ne décide de cracher le morceau en quittant les Emirats pour un pays « ennemi » moins sûr de lui livrer le personnage.

Auparavant, sur demande des Algériens, Ould Kaddour, en transit à Dubaï le 20 mars 2021, avait été arrêté par la police de l’air émiratie à sa descente d’avion avant d’être déféré devant un procureur, qui l’a interrogé à plusieurs reprises sur la base d’un dossier fourni par les autorités algériennes, focalisé sur les conditions du rachat, par la Sonatrach en 2018, de la raffinerie italienne d’Augusta à ExxonMobil pour 1 milliard de dollars.

D’autant plus que Paris, où Ould Kaddour résidait depuis sa fuite, a toujours refusé d’extrader ses ressortissants binationaux vers Alger, jugeant à juste titre, le système judiciaire de ce pays trop inféodé au pouvoir exécutif.

Selon nos informations, quelle ne fut pas la surprise des magistrats émiratis de constater que le dossier remis par Alger sur Ould Kaddour n’était étayé par aucun document crédible et composé de coupures de presse de journaux algériens qui tombaient à bras raccourcis sur l’ex-patron de la Sonatrach, accusé de détournements de fonds !

Pas besoin d’étre devin pour comprendre que Alger n’a aucun intérêt à dévoiler le moindre détail sur ce dossier, tentaculaire, qui a déjà valu à Ahmed Mazighi, ex-vice-président de la Sonatrach, d’être incarcéré en août 2020, une affaire dont les fils remontent à Bouteflika et qui met en cause toutes les têtes d’affiche du pouvoir actuel.

Chasse aux sorcières ou véritable opération « mains propres » ? Ni l’un ni l’autre, de simples règlements de compte entre les oligarques qui se succèdent à la tête du pays.

Propulsé à la tête de l’Etat en décembre 2019, Abdelmadjid Tebboune se doit de renvoyer l’ascenseur en ciblant les caciques en poste sous son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika, singulièrement au sein de la Sonatrach, dans les services secrets et dans l’armée, un triptyque essentiel dans la pyramide du pouvoir dans ce pays.

Lancée par Ahmed Gaïd Salah (ex-patron de l’armée décédé en décembre 2019), la vaste offensive judiciaire après le départ d’Abdelaziz Bouteflika, visant hauts fonctionnaires et capitaines d’industrie pour blanchiment d’argent, financement illégal de campagne, trafic d’influence, conflit d’intérêts et corruption dans la conclusion de marchés publics a juste permis à l’opinion publique d’avoir une idée sur l’ampleur des sommes d’argent public toujours plus astronomiques. Au point que le quotidien arabophone Echorouk avait titré à l’époque sur un Trésor public qui aurait perdu, selon les chiffres recensés dans les procès de décembre 2019 à septembre 2020, quelque 70 milliards de dollars !

Après le limogeage sans ménagement de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, en 2019, la justice algérienne avait lancé une série d’enquêtes pour corruption. Bien mal lui en prit, le procès de personnalités proches de l’ex-chef de l’Etat ont eu l’effet contraire, au lieu de calmer les mouvements de rue, ils ont révélé à la population sidérée, l’ampleur et l’étendue de la corruption qui avait cours sous tous les régimes qui se sont succédé.

 

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