Bas les masques !

 Bas les masques !

Ali Benflis


Des sept candidats à la fumeuse présidentielle algérienne, l’histoire retiendra que le seul qui ait refusé de participer à la mascarade, c’est bien Ali Benflis. Le seul candidat qui ait vraiment eu le courage de décréter qu’il était désormais urgent de quitter ce navire en perdition qu’est le régime actuel. L'ex-Premier ministre algérien et principal adversaire d'Abdelaziz Bouteflika aux deux dernières élections présidentielles, a fait savoir, dimanche 3 février, qu'il ne servira pas de lièvre au scrutin du 18 avril.


Pourquoi Benflis fait-il marche-arrière  alors qu’il a failli être élu de justesse, à chaque fois en 2e position derrière le président sortant, réélu au 1er tour sans discontinuer depuis 2004 avec plus de 80% des voix ? L’intéressé lui-même a reconnu que sa candidature n'a plus "de raison d'être" au regard de la contestation actuelle en Algérie.


Ali Benflis, principal adversaire du président Abdelaziz Bouteflika a préféré se mettre à l’écoute de la rue qui dénonce sans équivoque et avec détermination le caractère biaisé et faussé d’une compétition électorale dont la vacuité n’échappe à personne.


Confronté à une fronde sans précédent, avec un grand mouvement de contestation populaire qui refuse la cinquième candidature du raïs, particulièrement diminué, depuis son hospitalisation à Genève depuis le 24 février pour "examens médicaux périodiques", le clan Bouteflika a préféré le bras de fer avec la rue en déposant sa candidature au Conseil constitutionnel, plongeant l’Algérie dans un avenir incertain.


C’est pour cela que la position de Benflis qui connaît bien les arcanes du pouvoir algérien, puisqu’il a occupé le poste de Premier ministre d'Abdelaziz Bouteflika entre 2000 et 2003 avant de rompre avec ce dernier dont il a dénoncé les dérives, en refusant de soutenir son deuxième mandat.


L’ex-secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), confie son inquiétude face à un régime "négateur des libertés". "De toutes les crises politiques auxquelles l'Algérie a été confrontée, depuis son indépendance, celle-ci est incontestablement la plus grave et la plus lourde de périls pour le devenir de l'Etat national», estime-t-il.


Détourner le régime de son addiction à la corruption, extirper les "avantages acquis" de la nomenklatura qui ont lassé les forces vives de la Nation, et le refus catégorique de refuser une chirurgie expéditive mais salutaire, à savoir le retrait ( dans la dignité) de la candidature d’un Bouteflika, grabataire dont on ne sait  s’il est encore en possession de toutes ses facultés mentales, vu le nombre de va et vient entre Alger et les cliniques spécialisées en Europe. Les années Bouteflika auront enlisé la patrie des martyrs dans des sables mouvants jusqu’à la quasi asphyxie malgré des réserves de pétrole qui feraient pâlir d’envie les pétromonarchies du Golfe.


Ce frondeur roué, s’était entouré d’une bande qui a fait de la défausse, du dilatoire, de la langue de bois et des chimères les bases d’une politique qui n’a pas réussi à maintenir une paix sociale malgré ce confortable matelas de pétrodollars censé amortir la chute.


La réponse, c'est vrai, n'est pas facile mais il y a urgence. On n'attendra pas du président sortant qu'il rallie d'emblée les appels désespérés de la jeunesse algérienne mais qui peut encore nier que les recettes de la classe politique qui tire les ficelles dans ce pays ait fait long feu ?


Sur les obligations que sa santé exige, Bouteflika devrait passer la main, il a une chance inouïe de sortir par la grande porte, d’autant plus que la crise actuelle en Algérie délivre une salutaire pédagogie puisque jusqu’à présent, les Algériens ont montré beaucoup de maturité dans des manifestations qui ont forcé l’admiration du monde tant, le civisme et le pacifisme des protestations ont été relevés à leur plus haut niveau. Ce peuple merveilleux et si fier mérite beaucoup mieux qu’une marionnette à la tête de l’Etat.