Algérie. Le Croissant-Rouge justifie la déportation de centaines de migrants à cause de la « promiscuité »
Le 1er décembre au soir, des internautes algériens commencent à dénoncer « les centaines d’arrestations » de personnes de couleur dans l’agglomération algéroise. L’information se propage rapidement, ainsi que les appels à la prudence à destination des communautés subsahariennes, alors que dans la rue, la rafle prend une proportion jamais vue. La presse locale et internationale prend rapidement le relai sans ébranler les autorités algériennes qui poursuivent les arrestations de masse et les déportations arbitraires pendant plusieurs jours.
1400 à 2000 personnes déportées en quelques heures
C’est le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) qui a, le premier, tiré la sonnette d’alarme. À la veille du lancement du Forum Africain d’Investissement, qui s’est tenu à Alger, la police algérienne a mené ce qui a toute l’apparence d’une rafle à grande échelle visant les personnes de couleur. Les opérations se sont poursuivies pendant plusieurs jours, et se poursuivent encore selon certains observateurs locaux. Elles surviennent quelques heures à peine après une opération similaire, mais à une échelle beaucoup moins importante, menée par la Tunisie.
Entre 1400 et 2000 personnes originaires d’Afrique subsaharienne ont ainsi été arrêtées et enfermées en vue d’une expulsion imminente, sans motif, sinon leur couleur de peau. La peur s’est rapidement propagée aux communautés africaines, certaines personnes n’osant plus sortir de chez elles. Nombreux sont ceux qui rapportent ne plus avoir de nouvelles de leurs collègues ou de leurs proches. Un bilan faisant état de trois morts et plusieurs blessés circule sur les réseaux sociaux sans qu’il n’ait été démenti ou confirmé par les autorités.
Rapidement, la Ligne algérienne des droits de l’Homme a dénoncé « ces arrestations massives de migrants et leur rétention arbitraire et violente. Elle considère qu’en agissant ainsi, les autorités algériennes bafouent les normes internationales relatives aux droits des réfugiés, demandeur d’asile et de migrants. Elles portent aussi atteinte aux droits des femmes et des enfants ».
« Promiscuité » et « sorcellerie » comme justifications
Les autorités algériennes ne semblent pas sensibles à la vague d’indignation qui s’est rapidement propagée sur la toile et dans les médias africains et européens. Première responsable à s’exprimer, la présidente du Croissant-Rouge algérien, Saida Benhabylès, a justifié cette opération par « la promiscuité qu'il y a dans la capitale », qui a poussé les pouvoirs publics à « transférer les migrants dans le sud où les conditions d'accueil sont meilleures ».
Or, selon plusieurs sources, les personnes raflées sont détenues dans des conditions déplorables en attente de leur évacuation par bus. Le Croissant-Rouge omet d’ailleurs de parler d’expulsion alors que le Niger a confirmé avoir été sollicité pour le passage de convois d’autocars et de camions, qui sont arrivés à Tamanrasset mercredi soir.
Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’Homme (CNCPPDH), a abondé dans le même sens en affirmant que « l'expansion de ces migrants africains dans plusieurs communes d'Alger (peut) causer de nombreux problèmes aux Algériens », citant pêle-mêle « le vol, la fraude et la sorcellerie (sic) ». Le patron du CNCPPDH va plus loin en jugeant que ces personnes exposent les Algériens à « la propagation du SIDA et des maladies sexuellement transmissibles (MST) », des maladies « ordinaires à leurs yeux », a-t-il ajouté.
Rached Cherif