Algérie : 3 ans de prison pour des « mèmes »
Un jeune internaute algérien a été condamné lundi à une lourde peine de prison. Il avait publié sur Facebook des « mèmes » moquant les autorités et la religion. La condamnation intervient dans un climat de répression accrue de la liberté d’expression sur le net en Algérie.
« Walid Kechida est condamné malheureusement à 3 ans de prison ferme assorti d’une amende », a déclaré à l’AFP Kaci Tansaout coordinateur du Comité national de libération des détenus (CNLD). Son association, qui vient en aide aux prisonniers d’opinion en Algérie, ne peut que condamner la décision.
« L’heure est très grave au moment où on s’attendait à sa libération aujourd’hui, voire même une relaxe ». « Maintenant, on doit se mobiliser tous aux côtés des avocats au procès en appel », a ajouté M. Tansaout.
Me Moumen Chadi, un des avocats de Walid Kechida, a confirmé la lourde sentence auprès de l’AFP. Le parquet de Sétif (nord-est) avait requis cinq ans de prison contre M. Kechida, 25 ans. Elle l’accuse d’« offense au président », « aux préceptes de l’islam » et d’« outrage à corps constitué ».
Le militant, connu de la jeunesse de Sétif, est en détention provisoire depuis plus de huit mois. En cause : ses « mèmes » – des images détournées de façon humoristique sur les réseaux sociaux. Sa manière de se moquer des autorités, notamment du président Abdelmadjid Tebboune. Ses illustrations virales se moquent également de nombreux autres sujets. M. Kechida les diffusait sur le groupe Facebook « Hirak Memes », dont il était l’administrateur.
Les législatives en vue
« Le pouvoir maintient sa feuille de route autoritaire et décide un autre coup de force en prévision des législatives », a réagi sur Twitter Saïd Salhi. Le vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH) estime que « le durcissement des peines en est le signal ».
Des élections législatives doivent se tenir courant 2021 en Algérie. Le président Tebboune – en convalescence après avoir été soigné du coronavirus pendant deux mois en Allemagne – a fait de l’élaboration de la nouvelle loi électorale en vue de ce scrutin une de ses priorités.
Plus de 90 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec le mouvement de contestation populaire « Hirak » et/ou les libertés individuelles. Des poursuites fondées, pour beaucoup, sur des publications Facebook critiquant les autorités, d’après le CNLD.
Pas un cas isolé
Le cas de Walid Kechida est ainsi emblématique des limites à la liberté d’expression sur le net algérien. Même si, selon le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, « il n’existe pas de prisonniers d’opinion en Algérie ».
De nombreux internautes réclament la libération du jeune homme. Ils diffusent son portrait ou les slogans « Free Kechida » (Kechida libre) et « Le mème n’est pas un crime » sur Facebook et Twitter. Des affaires en justice similaires à celle de M. Kechida se sont multipliées en 2020.
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Mustapha Bendjama, rédacteur en chef d’un quotidien d’Annaba (nord-est) est actuellement poursuivi dans quatre affaires, toutes en lien avec ses publications sur Facebook. Les autorités l’accusent notamment « d’atteinte à l’intérêt national ».
A Alger, trois détenus sont en grève de la faim depuis plus d’une semaine pour dénoncer la prolongation de leur mandat de dépôt. Mohamed Tadjadit, Noureddine Khimoud et Abdelhak Ben Rahmani, poursuivis dans la même affaire, sont en détention provisoire depuis plus de quatre mois.
Dix accusations pèsent sur eux, dont atteinte à l’unité nationale, ou encore offense au Président selon le CNLD. Leurs messages et vidéos relayés sur les réseaux sociaux sont là encore en cause.