Al Haouz : Une initiative pour reconnecter les sinistrés
Redouane El Haloui, président de l’Apebi (DR)
Le séisme d’Al Haouz a laissé de nombreux dégâts matériels et humains. Parmi les services qui ont été coupés par le séisme, la connexion internet. Avec ses membres, l’Apebi (Fédération interprofessionnelle des Technologies de l’Information) a mis en place des kits qui permettent de couvrir actuellement 5 000 personnes et bientôt près de 20 000 habitants des douars.
Au Maroc ou à l’étranger, la solidarité marocaine a voulu jouer son rôle dans la catastrophe d’Al Haouz de septembre dernier. L’Apebi (Fédération interprofessionnelle des NTIC) a suivi le mouvement.
« Comme tant d’autres, nous avons subi le séisme d’Al Haouz et mis en place une cagnotte pour venir en aide aux sinistrés avec de la nourriture, de l’eau, etc.., rappelle Redouane El Haloui, président de l’Apebi. Toutefois, on s’est vite rendu compte sur place que c’était une zone de guerre. Il n’y avait plus d’électricité, même si elle est remise petit à petit par le gros travail des opérateurs d’énergie. Avec nos experts, nous nous sommes alors concentrés sur la connectivité internet et les besoins de ces douars. Nous pouvions faire plus en changeant notre fusil d’épaule. »
Les ingénieurs de l’Apebi constatent que les besoins internet sont importants notamment avec la destruction des antennes relais. « Aujourd’hui, la connexion internet est devenue essentielle aussi importante que l’eau, la nourriture ou l’électricité. Elle devient vitale. Elle permet la reconnexion sociale des habitants. »
>>Lire aussi : Séisme d’Al Haouz. Les équipements des Assemblées du BM-FMI réutilisés pour les écoles
Des kits solaires qui donnent le wifi à 500 mètres à la ronde
Pour répondre aux besoins, notamment d’énergie des paraboles satellitaires, les experts mettent en place des kits numériques avec des panneaux solaires. « Ils contiennent une parabole, un routeur wifi mais aussi l’équipement nécessaire pour son autonomie énergétique, indique Redouane El Haloui. Une association d’ingénieurs a fabriqué un caisson avec tout l’équipement qui accompagne la parobole. Fixé sur un mat, on peut arriver à mettre en place du wifi sur 200 à 500 mètres. Ça peut s’installer à la montagne, dans la vallée et par tous les temps. »
Dans les semaines qui suivent, 8 points relais couvrent 5 000 personnes dans la zone. L’équipe de l’Apebi a pu aussi bénéficier d’un don d’un membre de la diaspora qui a fait un crowdfunding. Le village d’Haouz et de ses environs bénéficieront ainsi cette semaine de 20 kits supplémentaires pouvant couvrir 20 000 personnes dans des endroits reculés.
« Les opérateurs ont remis de la 2G ou de la 3G mais ce n’est pas une connexion haut débit. Si des gens souhaitent aider, ils sont les bienvenus car la connexion internet est devenue vitale. Les habitants d’Al Haouz et de ses environs reçoivent de l’argent de l’étranger ou d’ailleurs. Ils se tiennent aussi au courant des nouvelles, des avancées etc.. »
Les kits coûtent 25 000 dirhams (2 200 euros) et de 350 dirhams (30 euros)/mois pour un abonnement de 30 Mo. Les frais sont actuellement pris en charge grâce aux dons. « Avec une utilisation raisonnable, cela peut être suffisant. Nous avons aussi à cœur de lancer des e-services, permettant la réparation, le suivi et le maintien des services numériques. Nous espérons par la suite que le système se pérennise par des jamaa’ ou des collectivités locales (Wilaya, région) »
>>Lire aussi : Séisme d’Al Haouz. Deux hôpitaux médico-chirurgicaux de campagne supplémentaires
La reconstruction en ligne de mire
Pour le président de l’Apebi, la reconstruction va demander du temps d’autant que de nombreuses zones étaient blanches aussi auparavant. « Nous poussons le gouvernement sur la réflexion de vrais services digitaux. Ce sont ces habitants-là qui ont le plus besoin de ces services. Dans l’Haouz, des hôpitaux et structures médicales ont été détruites. Il y avait des médecins, des dentistes. Nous souhaitons pousser pour la télémédecine. Les habitants d’Al Haouz en ont le plus besoin. L’autre pan important est l’éducation. Même si des lycéens et collégiens ont été envoyés sur Marrakech et que des structures temporaires ont pu voir le jour sous l’impulsion gouvernementale, il convient de maintenir le lien de nos jeunes avec le monde de la connaissance. Un membre de la fédération propose des centaines de professeurs bénévoles pour des cours de soutien par visioconférence. »
Redouane El Haloui voit aussi l’intérêt de cette connectivité pour l’Etat également. « Avec le séisme d’Al Haouz, plusieurs habitants ont perdu leurs papiers d’identité. Toute la partie e-gov s’appuie sur internet. Il existe des véhicules de mobilité mais cela n’est pas suffisant. Certains douars n’y ont pas accès. L’e-gov permet d’avancer les dossiers, de les recenser, de suivre le processus d’avancement, etc… Or, tous ses services ne marcheront pas sans une connectivité internet. »
Un plan Marshall pour la connexion haut débit
Si l’Etat et les opérateurs de télécommunications ont fait des efforts pour reconnecter la population, beaucoup reste à faire. Pour le président de l’Apebi, « Nous sommes sur des solutions temporaires pour le moment. Je souhaite que l’on pense la connectivité de manière alternative. On peut arriver à mixer des solutions qui élargissent le champ de connexion. Il y a des zones, notamment en montagne, où le coût de la fibre optique est trop élevé. On veut créer des cellules avec des connexions reliées au wifi. Il existe des solutions pour augmenter le débit. Nous avons besoin d’un plan Marshall pour le très haut débit comme on l’a fait dans le Royaume pour l’électricité. »
