Le Bras de fer entre le Maroc et la Turquie en terre africaine

 Le Bras de fer entre le Maroc et la Turquie en terre africaine

Le Président sénégalais Macky Sall (D) et le Président turc Recep Tayyip Erdogan au Palais de la République sénégalaise


Le président turc est à la fin d’une tournée en Afrique qui devait le conduire en Algérie, en Mauritanie, au Sénégal et au Mali du 26 février au 2 mars. En Afrique de l'Ouest et particulièrement au Sénégal et au Mali, la visite du président turc semble se situer dans une perspective inavouée de marcher sur les plates bandes du royaume.  


Au cours de sa nouvelle tournée en Afrique, Recep Tayyip Erdogan n’a pas caché son ambition de se positionner en acteur majeur sur le continent. Ambition exprimée avant lui par le royaume. Le président turc qui a démarré sa visite par l’Algérie, a boudé Rabat pour se rendre en Mauritanie, au Sénégal et au Mali.


A la tête d'une importante délégation d'officiels et surtout d'hommes d'affaires, Erdogan a préparé son entrisme avec la signature de plusieurs accords de partenariats et de contrats pour les entreprises turques. De quoi renforcer la présence des entreprises turques qui opèrent sur le continent et dont l'influence, ces dernières années, a connu un développement sans précédent et dans presque tous les domaines (BTP/infrastructures, agro-business, industrie, énergie, services, éducation…).


Selon les chiffres du ministère turc de l'économie, l'Afrique représente près de 21% du chiffre d'affaires des entreprises turques à l'international avec une part de l'Afrique du Nord qui pèse 19%. Notons que l'Afrique de Ouest, qui est un enjeu majeur pour les marocains, est une nouvelle priorité de la Turquie en Afrique. A chaque pas que fait le Maroc en direction de l’Afrique, Erdogan n’est pas très loin.


En Afrique de l'Ouest et particulièrement au Sénégal et au Mali, la visite du président turc conforte désormais la place qu'occupe la CEDEAO dans la stratégie d'expansion turque.


En 2016, le président Erdogan était déjà en tournée en Côte d'ivoire, au Ghana, au Nigeria et en Guinée. Une présence effective sur le terrain, qui fait que de 2005 à ce jour, le nombre d'ambassades turques en Afrique est passé de 12 à 41 et on compte à ce jour plus d'un millier d'entreprises turques opérant sur le continent dont des poids lourds (Turkish Airlines, Summa &Limmak Holding, Ayka Textile, Arçelik, Agromaster,…).


Les échanges entre l’Afrique et la Turquie sont passés de moins de 100 millions de dollars dans les années 2000 à plus de 20 milliards actuellement.


Sur le plan religieux, Erdogan ambitionne également de couper l’herbe sous les pieds des Marocains, désormais champion du « soft power » spirituel en Afrique. Là encore,  Istanbul ambitionne désormais de pas lésiner sur les moyens. Si l’AKP a affirmé le rôle de l’islam comme instrument de sa politique sur la scène internationale, en Afrique ses porte-drapeaux : l’IHH (Fondation pour l’aide humanitaire) et les nombreuses ONG caritatives balisent le terrain pour un super production hollywoodienne découpée sur mesure pour le nouvel « empereur ottoman ».


Que fait le royaume en attendant ? Beaucoup d’effets d’annonce et peu de choses concrètes. Alors que le roi, au cours de ses nombreux déplacements en Afrique n’hésite pas à battre le pavé et traverser la brousse pour baliser le terrain, alors qu’il recadre les relations  au plus haut niveau des états et arrache le consensus sur une renaissance effective des relations inter-états, l’intendance  ne suit pas. Sinon pourquoi, peu de projets ont abouti et que la plupart des opérateurs économiques marocains restent très frileux, mis à part l’offensive remarquée et remarquable de l’Ocp sur tous les fronts ?


Dans cette guerre sans merci que nous mène les Turcs et bien d’autres nations occidentales qui louchent sur le gâteau africain, les déclarations de bonnes intentions ne suffisent plus et une communication diplomatique qui n’est pas bétonnée par des arguments chiffrés et des actes concrets, ne trompe plus personne.


Abdellatif El azizi