CPI : Après le Burundi et l’Afrique du Sud, la Gambie 3e pays du continent à se retirer
La « cascade » de retraits de pays africains de la Cour pénale internationale (CPI) tant redoutée par les autres États membres semble se concrétiser, avec l'annonce mercredi du départ de la Gambie, après le Burundi et l'Afrique du Sud. Un nombre grandissant d’Africains estiment que les dirigeants occidentaux jouissent de l’impunité alors que la CPI juge régulièrement des accusés de leur continent.
Une Gambienne procureure de la CPI
La Gambie a annoncé cette décision par la voix de son ministre de l'Information Sheriff Bojang, qui a accusé la CPI de « persécution envers les Africains, en particulier leurs dirigeants », en écho aux critiques régulièrement entendues sur le continent. Malgré son discours souvent vindicatif envers les pays occidentaux et les organisations de défense de droits de l'Homme, un retrait de la Gambie apparaissait jusqu'alors improbable, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda étant une ancienne ministre du président gambien.
La décision de retrait a été prise après que la Gambie a tenté en vain de convaincre la CPI de poursuivre les pays de l'Union européenne pour la mort de nombreux migrants africains en Méditerranée, a indiqué le ministre. Il s'agit du premier pays d'Afrique de l'Ouest à exprimer cette intention, les détracteurs de cette juridiction se situant surtout dans l'est et le sud du continent, comme le Kenya, l'Ouganda, ou la Namibie.
Un président au pouvoir depuis 22 ans
« Au moins 30 pays occidentaux ont commis des crimes de guerre odieux contre des États indépendants et souverains et leurs citoyens depuis la création de la CPI sans qu'aucun criminel de guerre occidental soit poursuivi », a affirmé M. Bojang, citant le cas de l'ex-premier ministre britannique Tony Blair, que la Cour n'a pas poursuivi pour l'invasion de l'Irak en 2003.
Dans une interview à l'hebdomadaire Jeune Afrique, le président gambien avait pourtant défendu en mai l'action de Mme Bensouda. « Les leaders africains râlent aujourd'hui. Mais pourquoi ont-ils signé (le traité ratifiant la CPI) en sachant qu’ils pouvaient en être victimes ? », avait souligné M. Jammeh. « Que ceux qui veulent quitter la CPI s'en aillent, mais si les pays africains étaient moins faibles et plus unis, nous pourrions peser au sein de la Cour » avait ajouté l’autocrate à la tête de son pays depuis 1994, que de nombreuses ONG et les États-Unis accuse d’exactions contre ses opposants.
Début d’une cascade ?
La semaine dernière, le Burundi a promulgué une loi prévoyant son retrait de la CPI et l'Afrique du Sud a annoncé son départ, à la suite de la polémique causée par son refus en 2015 d'arrêter le président soudanais Omar el-Béchir, visé par un mandat d'arrêt international pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Réagissant à ces décisions, le président de l'Assemblée des États parties au Statut de Rome, fondateur de la CPI, Sidiki Kaba, a dit craindre que « ce troublant signal n'ouvre la voie à une cascade de retraits d'États africains », dont 34 sur 54 ont ratifié ce Statut. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et M. Kaba ont appelé lundi les pays qui critiquent le fonctionnement de la CPI à ne pas s'en retirer, mais à résoudre leurs différends par le dialogue avec les autres membres.
M. Kaba, par ailleurs ministre sénégalais de la Justice, a également prôné le renforcement des systèmes judiciaires nationaux. Si chacun de ces pays jugeait lui-même les crimes relevant de la compétence de la Cour, alors « l'Afrique jugerait les Africains sur le continent », a-t-il plaidé.
Rached Cherif
(Avec AFP)