Après Rome, Carthage souhaite un rapprochement avec Budapest

 Après Rome, Carthage souhaite un rapprochement avec Budapest

Péter Szijjártó reçu lundi au Palais de Carthage

Le ministre hongrois des Affaires étrangères et du Commerce, Péter Szijjártó, a effectué le 29 avril une visite de travail remarquée en Tunisie, à l’invitation du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Nabil Ammar. Le numéro 2 du gouvernement hongrois a appelé l’Union européenne « à ne pas s’ingérer dans la politique intérieure de la Tunisie » et à « n’exercer aucune pression qui pourrait la déstabiliser ».

 

Après l’Italie de Giorgia Meloni, une nouvelle idylle entre la Tunisie sous Kais Saïed et la Hongrie de Viktor Orban est-elle en train de naître sur fond d’harmonisation des idéologies droitières et des points de vue au sujet de l’épineux dossier migratoire ? C’est en tout cas ce qui ressort de la longue déclaration du ministre hongrois (une allocution exhaustive d’une dizaine de minutes) à l’issue de sa visite, la quatrième en Tunisie depuis sa nomination à la tête de son ministère, un poste qu’il occupe depuis bientôt une décennie.

Le déplacement s’inscrit dans le cadre des « excellentes relations d’amitié et de coopération qui unissent les deux pays depuis 1956 et l’intensification des consultations politiques initiées depuis 1996 », peut-on lire dans un communiqué du département des Affaires étrangères, un rappel historique du type qu’affectionne le chef de l’Etat tunisien mais qui renseigne peu en réalité sur le caractère inédit de la teneur et des enjeux souverainistes de ce déplacement.

 

Intensification des pourparlers

Notons que cette visite intervient par ailleurs moins d’une année après celle effectuée par son homologue Nabil Ammar en Hongrie, et au cours de laquelle se sont tenus la cinquième session de la Commission mixte économique ainsi que le troisième Forum d’affaires tuniso-hongrois, en juin 2023. Selon le communiqué de la présidence de la République tunisienne, les deux pays partagent des valeurs telles que « l’indépendance de la décision nationale », un euphémisme quand on connaît les positions radicales d’Orban, souvent qualifié d’enfant terrible de l’UE.

Relations bilatérales, coopération dans les énergies renouvelables, la sécurité alimentaire, l’enseignement supérieur, l’échange commercial et le transport… Autant de thèmes évoqués officiellement mais qui ont du mal à occulter le principal sujet migratoire au cœur de cette visite.

Le texte évoque plus loin de façon explicite le dossier de la « migration irrégulière », en rappelant que « la Tunisie est un Etat de droit qui n’abritera jamais des hors-la-loi », allusion aux migrants subsahariens, tout en appelant à « traiter ce dossier de manière collective, notamment en s’attaquant aux raisons profondes de son émergence et de sa propagation ».

Via Szijjarto, la Hongrie souligne pour sa part qu’elle a « constamment soutenu la Tunisie au sein des institutions de l’Union Européenne », une allusion sans doute à l’actuel froid entre les démocrates européens et la Tunisie de Saïed, désormais régulièrement épinglée pour le recul des droits fondamentaux depuis 2021. La Hongrie avait par ailleurs soutenu la demande tunisienne de prolonger les délais de restitution des avoirs spoliés, un dossier cher à Kais Saïed et qui peine à aboutir, ainsi que l’adhésion de la Tunisie au programme cadre européen de recherche et de développement technologique Horizon Europe 2021-2027.

>> Lire aussi : Les libertés en Tunisie, objet d’une importante résolution au Parlement européen

« Budapest continue de soutenir la Tunisie au sein du Conseil de l’Union Européenne », conclut en s’en félicitant le dignitaire hongrois.

Reste que la Hongrie n’est le 24e client de la Tunisie et son 29e fournisseur selon les dernières statistiques en date. Le pays compte du reste seulement 1314 Tunisiens résidant en Hongrie dont 149 binationaux. Pour l’opposition tunisienne, la politique étrangère de Kais Saïed n’a fait qu’isoler le pays en s’aliénant ses partenaires traditionnels au profit d’aventureuses velléités tentant d’établir de nouveaux axes aux intentions migratoires ambiguës et sans réelle visibilité.