Abbé Pierre. Itinéraire d’un combat contre la misère

 Abbé Pierre. Itinéraire d’un combat contre la misère

© Gamma Rapho Keystone

Sous ce joli titre « L’abbé Pierre, faire la guerre à la misère », le Citéco et la Fondation Abbé Pierre consacrent une exposition-dossier, du 12 mai au 5 novembre, au parcours atypique d’une des personnalités les plus appréciées de la population française.

Rien ne prédestinait Henri Grouès à une vie au service des démunis, même si le papa, un riche industriel dans la soierie était fortement engagé auprès des plus pauvres. Une fois adulte, après avoir fait le coup de feu contre l’occupation allemande, il adoptera définitivement le surnom d’« abbé Pierre ». Mais c’est ce fameux hiver de 1953-1954 où le thermomètre était descendu à -15° à Paris que l’abbé Pierre et ses compagnons de misère vont découvrir le plus grand nombre de gens désespérés.

Grâce à un ami journaliste, il a alors cette idée folle de lancer un appel à la radio. Cette « insurrection de la bonté », provoque un gigantesque élan de solidarité populaire dans lequel l’abbé Pierre préfère voir « l’insurrection de l’intelligence contre l’absurde et pour la justice ».

Par la suite, l’abbé va user de son entregent pour pousser des entreprises à construire de petites maisons. Quelques semaines après, ce sont 48 familles qui sont logées à « la Cité de la Joie ». Le coup d’envoi des cités d’urgence est lancé, l’Appel de l’abbé Pierre déclenche la construction de millions de logements neufs à loyers modérés.

L’Appel de l’hiver 1954 résonne partout dans le monde et l’abbé Pierre va exporter son savoir-faire partout dans le monde. Pour l’anecdote, en juillet 1963, il traverse le Rio de la Plata (entre Montevideo et Buenos Aires) et quand le bateau prend feu, l’abbé finit par survivre au naufrage. Juste après, il crée (en 1969) Emmaüs International : « J’ai pris conscience que si j’avais disparu dans l’eau, jamais les hommes et les femmes que je connaissais partout ne se seraient rencontrés les uns les autres. J’étais le seul à connaître tous ces groupes à travers le monde, le seul à savoir tout ce qui se faisait au nom d’Emmaüs. » a-t-il commenté.

En 1992, il crée la Fondation Abbé Pierre pour que son combat contre la précarité lui survive.  « Sans relâche, l’abbé Pierre a défendu et fait vivre les valeurs de fraternité et de solidarité. Anciens chiffonniers, compagnons d’Emmaüs qui vivent de la récupération en France et dans le monde ; familles entières logées ou relogées dans des conditions dignes… en luttant contre l’injustice et en travaillant au bonheur des autres, l’abbé Pierre s’est accompli et a permis à tant d’autres de s’accomplir ! », explique Laurent Desmard, président de la Fondation Abbé Pierre.

Grâce à la mobilisation des nombreux relais de l’abbé Pierre, une loi relative à la lutte contre les exclusions est votée en juillet 1998 : son premier article stipule que « la lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation ».

Quant à loi SRU de 2000, elle est issue d’un débat national lancé en 1999 concluant à la nécessité de décloisonner la ville en réduisant ses fractures principales, entre générations, géographiques et sociales.  Ce qui fait dire à Philippe Gineste, directeur de Citéco, que « la figure de l’abbé Pierre nous rappelle avec force qu’une société ne peut se concevoir que par une solidarité de tous les instants… Avec ses actions d’une vie dédiées notamment à l’insertion par le travail et à la mise en place d’une loi contraignante pour produire des logements accessibles, l’abbé Pierre a montré une voie renforçant la construction d’une société solidaire. »

Le 22 janvier 2007, l’abbé Pierre s’éteint sereinement à l’âge de 94 ans, à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris. Comme un testament, ses mots résonnent toujours : « Sur ma tombe, au lieu de fleurs et de couronnes, apportez-moi la liste de milliers de familles, de milliers de petits enfants auxquels vous aurez pu donner les clés de vrais logements. »

© AFP
© Emmaüs International
© Fondation Abbé Pierre
© Emmaüs International