A Tunis plusieurs manifestations réclament le départ de Kais Saïed
A l’appel de la Coordination des partis sociaux-démocrates qui comprend principalement le Courant démocrate (Attayar), le Parti républicain (Aljomhouri), le Parti des travailleurs, Ettakatol et le Pôle (al-Qotb), des sympathisants de ces partis ont manifesté aux côtés ceux d’autres coalitions anti Saïed qui ont fait le forcing pour se joindre à eux et marcher sur l’Avenue Bourguiba, bravant l’interdiction du gouverneur de Tunis.
« Il est vrai que le Président Kais Saïed dans son entreprise de révisionnisme historique veut faire croire que le 14 janvier 2011, jour de la fuite de Ben Ali, a constitué une date mineure de l’Histoire de la Tunisie. Alors, qu’au contraire, elle a ouvert une immense espérance démocratique pour le peuple tunisien et pour l’ensemble des peuples de la région, n’en déplaise aux nostalgiques des régimes autoritaires », rappelle en ce jour de commémoration le chercheur au CNRS et politologue français Vincent Geisser.
Anticipant la veille les manifestations d’aujourd’hui qui s’annonçaient massives, Kais Saïed s’est livré à un exercice devenu lassant : entouré d’un intimidant dispositif de sécurité, il a devancé ses adversaires et occupé le terrain en sillonnant à pied les rues de la Medina de Tunis pour longer ensuite l’Avenue Bourguiba en vue d’un mini bain de foule devenu répétitif. « Je ne crains que Dieu et lui seul ! », a-t-il lancé face aux caméras de médias nationaux, avant même que ces derniers ne lui posent leurs questions.
« Le président Saïed devrait faire attention à la nature des slogans entonnés par les badauds dans la rue : cela est passé en quelques mois de demandes politiques comme la dissolution du Parlement, à des demandes purement économiques et alimentaires, son peuple a faim ! », met en garde l’éditorialiste Selim Msekni.
Prétexte à cet exercice, la visite du siège de la Commission nationale de la conciliation pénale, organisme qu’il a lui-même créé, formé par huit magistrats chargés en théorie de recouvrir des milliards de dinars de biens mal-acquis par des hommes d’affaires. Mais pour l’opposition, cette entité, qui ne se rappelle au bon souvenir du président de la République qu’en temps de difficulté politique ou d’échéances électorales, reste une vue de l’esprit. Une structure qui dilapide elle-même l’argent public via ses frais de fonctionnement et sa mission utopiste et chimérique.
« Le régime des 8,8% »
Dès les premières heures de la matinée de samedi, tous les accès aux artères principales de la capitale étaient barrés:
Parmi les slogans inédits qui ont résonné Avenue de la Révolution, « A bas le régime des 8,8% ! », allusion ironique au taux de participation aux législatives du mois dernier voulues par Kais Saïed, un record d’abstention qui délégitime le pouvoir en place et le poursuit désormais dans tous la bouche de tous ses opposants.
Les sympathisants du Front de salut national ont appelé à la destitution du président Saïed, l’accusant d’autocratie et d’échec cuisant dans la gestion de la situation économique. Les dirigeants du Front ont par ailleurs exigé la libération de l’ancien ministre de l’Intérieur Ali Laarayedh, estimant que son interpellation est « un acte illégal qui reflète une volonté du pouvoir actuel de fonder une dictature totalitaire qui exclut toutes les voix de l’opposition ».
« La présence de l’ensemble des formations politiques du pays, qui passent outre leurs divergences et leurs sensibilités idéologiques, traduit leur conviction commune de la date historique que représente le 14 janvier, date marquant la fin d’une dictature et l’avènement du pluralisme après un long processus de lutte et de militantisme », soutient un membre du Front.
Le dirigeant du Front, Jaouhar Ben Mbarek, a quant à lui affirmé que la rue appartient au peuple et que « que le président Saïed est en faillite politique : il est devenu le premier obstacle entravant toute réforme politique et économique du pays », l’appelant à quitter le pouvoir.
L’Avenue Habib Bourguiba a ensuite été le théâtre de quelques affrontements entre les sympathisants du Front et des forces de l’ordre qui leur ont interdit de dépasser les barrières mises en place aux alentours du ministère de l’Intérieur.