A Sidi Bouzid, le président Saïed harangue la foule

 A Sidi Bouzid, le président Saïed harangue la foule

Dans une allocution diffusée en direct hier soir 20 septembre depuis Sidi Bouzid, le président de la République Kais Saïed a visiblement tenté de s’accaparer la symbolique révolutionnaire de ce berceau de la révolution de 2011. Une réponse aux prémices de la contestation des mesures exceptionnelles prises il y a deux mois par le Palais, mais une réponse contestée pour son populisme.

 

Dans l’ambiance survoltée de ce chaudron social qu’est restée la région de Sidi Bouzid, on comprend rapidement que sera à l’ordre du jour la poursuite des mesures exceptionnelles décrétées le 25 juillet dernier. Saïed a toutefois annoncé la mise en place de nouvelles « dispositions transitoires » pour gérer le pays. En clair, si la Constitution n’est pas officiellement suspendue, cela revient à préparer les esprits pour un changement de régime, le tout sous les cris de « le peuple veut la dissolution du Parlement ! ».

 

Surenchère révolutionniste

Depuis son investiture, le président Saïed avait suggéré que la date du 14 janvier 2011 (qu’il n’a jamais souhaité commémorer) était celle de la « confiscation de la révolution », et que le 17 décembre 2010, date de l’immolation par le feu du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, est celle de la « révolution authentique », partie de ce fief du centre du pays.

Lors de cette visite « non annoncée » au siège du gouvernorat, le président Kais Saied a une fois de plus promis la désignation « sous peu » d’un chef du gouvernement et la mise en place d’une nouvelle loi électorale.

« Je ne viens pas vous voir sur les marches d’un théâtre comme cela a été le cas pour d’autres dans une mise en scène de piètre qualité, avec les acteurs médiocres connus de tous. Ils ont distribué argent et alcool, mais malgré toutes leurs dépenses, ils n’ont pu réunir que quelques dizaines de badauds », a ironisé Saïed. « Des propos clivants » rétorquent ses détracteurs pour qui le rôle d’un président de la République et de rassembler et non d’alimenter la discorde civile.

 

« Pas question de revenir en arrière »

« Il n’est pas question de revenir sur les décisions du 25 juillet, a-t-il martelé, assurant que ces mesures ont sauvé le pays d’un péril imminent. » Le chef de l’Etat a affirmé avoir eu recours à ces mesures « pour préserver la patrie », et « non pas pour distribuer des postes ».

Se voulant rassurant malgré d’évidentes atteintes aux droits fondamentaux liées notamment à la circulation des individus, il a affirmé que les dispositions stipulées dans la Constitution relatives aux droits et libertés seront maintenues, dénonçant une campagne de calomnies menée à son encontre par « des traîtres », selon une rhétorique complotiste désormais convenue.

« Que le monde entier entende ce message : ici le peuple est souverain, c’est lui qui décide ! », a-t-il harangué en direction d’une foule compacte galvanisée par une ambiance que certains commentateurs ont qualifiée de néo kadhafiste. Une atmosphère quelque peu chaotique cependant, qui a résulté en une interruption momentanée de la diffusion télévisée de l’allocution.