A Paris, Hammami fustige la « dérive autoritaire » du président Saïed

 A Paris, Hammami fustige la « dérive autoritaire » du président Saïed

Représentant le Parti tunisien des travailleurs à la Fête de l’Humanité qui se tenait au Bourget du 10 au 12 septembre courant, le chef historique de la gauche ouvrière tunisienne, Hamma Hammami, a dressé un bilan acerbe de la présidence de Kais Saïed.

 

Pris de court par le coup de force du 25 juillet dernier, l’ensemble de la classe politique tunisienne se terre depuis dans un relatif mutisme. Suspendues aux annonces présidentielles, les grandes formations politiques du pays n’ont jusqu’ici réagi qu’à coup de communiqués de doléances.

Quelques voix se distinguent cependant par leur franc-parler et leur opposition frontale dès la première heure face à ce qu’elles considèrent comme une dérive réactionnaire. Parmi elles, le Parti des travailleurs, anciennement « POCT ». En pointe contre ce qu’il a très tôt désigné comme « coup d’Etat digne du général centre-africain Jean-Bédel Bokassa », l’inlassable défenseur des droits de l’Homme Hamma Hammami s’est livré ce weekend à un réquisitoire sans concession.

S’exprimant en français depuis le stand du parti invité au rassemblement annuel des gauches du monde entier qu’est la fête de l’Huma, une idée centrale fait office d’axe de sa lecture des récents évènements qui secouent la Tunisie : l’escroquerie intellectuelle qui consiste à présenter le 25 juillet 2021 comme l’un des chapitres venant compléter la révolution de 2011.

 

De quoi le 25 juillet est-il le nom ?

« Kais Saïed fait partie du système. Il ne s’est pas appuyé sur le peuple mais sur l’armée et la sécurité. A ses côtés le 25 juillet il y avait deux généraux ainsi qu’un directeur général à la sûreté. Nous mettons en garde contre la présence inédite de généraux au gouvernement. Cela ouvre la voie vers un régime militaire. Lorsque nous sommes en présence d’un président populiste qui n’a rien à proposer, il faut penser à ce qui nous attend par la suite […].

Saïed utilise un champ lexical très réduit de 200 à 300 mots. Il s’autoproclame dépositaire de la volonté du peuple. Mais lorsqu’on lui demande quel est son programme, il répond « mon programme c’est ce que veut le peuple ». Demandez-lui que veut le peuple, il vous dira que le peuple sait ce qu’il veut. Demandez alors qui sait ce que veut le peuple, il dira qu’il est lui-même le seul à le savoir », ironise Hamma Hammami.

S’agissant du modèle sociétal prôné par le président Saïed, le leader de la gauche tunisienne explique : « Qui a-t-il rassuré ? Jusqu’ici il n’a fait que donner des gages aux patrons, aux banquiers et aux cliniques privées. On nous demande de patienter et de ne pas juger cet homme dès le premier jour. Mais comme Ben Ali, Saïed a aussi un historique. Les deux n’ont pas un passé de démocrates ni de défenseurs des libertés.

En 2020 Saïed a dit clairement sa préférence pour la charia islamique comme source du droit. Ce qui se prépare c’est une abrogation de la Constitution. Or cette Constitution n’est pas celle d’Ennahdha, elle contient beaucoup d’acquis, comme le fait qu’elle est la seule dans le monde arabe à garantir la liberté de conscience dans son article 6, un article que Kais Saïed veut abroger en priorité ».

S’exprimant le 9 septembre sur la chaîne Sky News Arabia, média émirati privilégié par la communication présidentielle, le conseiller auprès de la présidence de la République, Walid Hajjem, a affirmé que le président Saïed prépare bien un changement de régime et s’oriente vers un régime présidentiel. Une déclaration qui vaut à Carthage le quasi désistement de certains de ses alliés politiques dont le parti de centre gauche Attayar de Mohamed Abbou qui soutenait jusqu’ici le président au nom de la lutte anti-corruption.