Antisémitisme. Accusation à géométrie variable

 Antisémitisme. Accusation à géométrie variable

Elon Musk, PDG de Tesla et SpaceX, fait un geste lors de l’investiture de Trump, le 20 janvier 2025, comparé à un salut nazi. Plusieurs leaders néonazis ont partagé des extraits où Musk porte sa main à sa poitrine, puis l’étend droit devant lui, déclarant : « Mon cœur est avec vous. » (Photo : ANGELA WEISS / AFP)

C’est malheureusement la seule pensée qui vient à l’esprit face à la bêtise des hommes : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Dans cette histoire, l’adage est presque à prendre au premier degré puisqu’il s’agit de la polémique qui fait rage aussi en France sur le salut d’Elon Musk. Salut hitlérien, clin d’œil au nazisme, avertissement à ces criminels que sont Netanyahou et ses complices ?

Cerise sur le gâteau : au lieu de nier toute référence au nazisme, Musk semble plutôt s’amuser de cette polémique, se contentant d’un « c’est usant, ce truc de comparer tout le monde à Hitler » ! C’est ainsi qu’Elon Musk a réagi aux critiques qui lui sont adressées depuis qu’il a exécuté ce qui s’apparente à un double salut fasciste, le 20 janvier, au moment même où Trump étrillait le monde à l’occasion de la cérémonie d’investiture.

Depuis, les cris d’orfraie se multiplient dans la presse européenne, alors que, du côté américain, on rappelle que les militants d’extrême droite du monde entier sont aux anges après avoir découvert en Elon Musk un des leurs !

Le mensuel américain Wired rapporte que, chez le groupe Telegram néonazi américain, les images de la gestuelle d’Elon Musk sont accompagnées d’un enthousiaste « On est de retour, putain ! » Même enthousiasme chez Patrick Casey, le fondateur du groupuscule néonazi Identity Europa, qui a commenté qu’il n’en croyait pas ses yeux.

La première remarque qui s’impose, c’est que les mêmes qui traînent en justice en France le moindre petit internaute accusé d’avoir émis un commentaire susceptible d’être assimilé à de l’antisémitisme, semblent avoir un courage à géométrie variable quand le multimilliardaire multiplie ses gestes et clins d’œil à l’extrême droite mondiale.

Ce n’est pas aujourd’hui que le propriétaire du réseau social X a décidé de faire des références antisémites claires, doublées d’une apologie de l’idéologie nazie. Quand il s’était attaqué au milliardaire juif George Soros, accusé de « détester l’humanité » et d’« éroder le tissu même de la civilisation », il ne faisait que reprendre à son compte l’affirmation classique selon laquelle « les Juifs ont la haine de tous ceux qui ne sont pas juifs ». Et la liste de ses références antisémites est encore longue.

Mais bien sûr, qui peut oser pointer du doigt le désormais numéro deux de l’administration de la première puissance mondiale ?

Reste que la fameuse accusation d’antisémitisme semble frappée d’obsolescence, depuis que le terme galvaudé, utilisé pour faire taire toute critique de la politique génocidaire d’Israël, a perdu toute crédibilité. La presse française use à satiété du terme pour éviter justement de se retrouver sous les feux des gardiens du temple, qui changent au gré de l’actualité.

Si le terme « antisémitisme » désigne toute forme d’hostilité ou de discrimination envers les Juifs en tant que groupe religieux, ethnique ou racial, une nouvelle définition de l’antisémitisme a été inventée. Elle inclut désormais la critique de l’État hébreu, faisant de l’antisionisme également « une haine des Juifs ». Haïr la politique d’épuration des Palestiniens par Israël peut être aussi ignoble que le sentiment de haïr les Juifs.

La question elle-même relève de l’absurde. Tout d’abord, l’État d’Israël est considéré comme illégitime par bon nombre de Juifs (l’opposition juive au mouvement sioniste précède d’ailleurs la proclamation de l’État d’Israël en 1948). Un grand nombre de Juifs, qui n’ont jamais quitté le pays qui les a vus naître, ne sont pas israéliens.

On a ainsi inversé le raisonnement : au lieu de dénoncer le sionisme, qui est lui-même une idéologie raciste, fondée sur les horribles crimes de guerre perpétrés chaque jour contre le peuple palestinien, le nettoyage ethnique de la population palestinienne et la construction de colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés, on a imaginé toutes sortes de décrets et d’accusations fallacieuses, soutenues par une batterie de lois iniques, pour taire toute critique de ces crimes contre l’humanité.

Ce qui fausse le tableau, c’est qu’aujourd’hui, une partie de plus en plus visible de la communauté juive et de ses représentants, soutenue par de nombreux intellectuels français (pour des raisons qui ne relèvent pas forcément du courage intellectuel), utilise systématiquement une pseudo-judéophobie pour faire taire toute voix dissonante s’attaquant à la politique militaire et coloniale menée par le gouvernement de Netanyahou.

Malheureusement, le suicide des gouvernements israéliens, qui ont vendu aux Juifs du monde entier la chimère d’un État prospère bâti sur les cadavres des Palestiniens, a invisibilisé le courage et la parole de ces rares Juifs qui militent encore pour une paix juste au Proche-Orient, même si l’intolérable chantage à l’antisémitisme ne les concerne pas.

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