Adoptée, Nathalie Dunoir découvre à 50 ans ses origines algériennes

 Adoptée, Nathalie Dunoir découvre à 50 ans ses origines algériennes

Nathalie Dunoir à l’hôtel Saint-Georges à Alger, accompagnée de ses deux enfants, Marie et Paul. Photo : DR

« Ce sont mes parents biologiques que je n’ai jamais connus ! » Ces mots, prononcés avec une émotion palpable, résonnent comme un cri du cœur. Nathalie Dunoir, une Française née en 1968 et adoptée à dix mois par un couple bienveillant, a découvert à 50 ans que son père est algérien.

Ce choc identitaire a marqué le début d’une quête intense et intime, longue de plusieurs années, pour recoller les morceaux de son histoire personnelle. Une histoire qu’elle partage aujourd’hui avec une sincérité désarmante.

Une enfance heureuse mais une énigme persistante

Photo : DR

Nathalie Dunoir voit le jour en 1968 à Limoges. À neuf jours, elle est confiée à la DASS (Ndlr : anciennement Aide sociale à l’enfance) avant d’être adoptée dix mois plus tard.

Elle grandit dans le très chic Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine, fréquente les écoles prestigieuses de la région parisienne où elle croise une certaine Marine Le Pen.

« J’ai eu une adoption réussie, j’ai grandi dans un milieu lettré et aimant. Mes parents adoptifs étaient formidables », annonce-t-elle d’emblée fièrement.

À 27 ans, elle quitte Paris pour Marseille où elle crée son entreprise de communication.

Derrière cette façade d’une vie heureuse, l’énigme de ses origines plane comme une ombre. Son dossier d’adoption est presque vide. Un seul indice apparaît : un patronyme, Frédérique Picco, qui semble n’être qu’un leurre, loin d’imaginer qu’il s’agit en fait de son véritable nom.

« J’ai grandi en me demandant qui j’étais vraiment. Rien dans ce dossier ne me permettait de savoir », avoue Nathalie aujourd’hui. Cette question non résolue pèse de plus en plus lourd, surtout à l’approche de l’âge adulte.

Déjà quatre ans plus tôt, à 23 ans, une dépression identitaire la submerge. « J’ai commencé à ressentir un vide immense, à me poser des questions existentielles : qui sont mes parents biologiques ? Pourquoi m’ont-ils abandonnée ? »

Une enquête de plusieurs années : retrouver les morceaux du puzzle

En 2019, après un burn-out à 50 ans, Nathalie décide qu’il est temps d’affronter ses démons. Elle reprend contact avec l’antenne de l’ASE (Aide sociale à l’enfance) à Limoges. Par un concours de circonstances, elle tombe sur une employée prête à l’aider.

Trois semaines plus tard, elle découvre l’existence d’un dossier. « Ce dossier anonymisé m’a permis de découvrir des choses essentielles : le prénom de ma mère biologique, Marcelle, et celui de mon père, Mohammed. Et surtout, que je suis franco-algérienne ! », raconte-t-elle émue.

Le premier choc est suivi d’une série de découvertes bouleversantes pour Nathalie. Elle apprend qu’elle a une grande sœur, issue du même père et de la même mère, également confiée à l’Aide sociale à l’enfance par leur mère, Marcelle.

Les tests ADN qu’elle effectue lui révèlent aussi l’existence d’une large fratrie : sept demi-frères et sœurs du côté de son père, Mohammed, et quatre demi-frères et sœurs du côté de sa mère, Marcelle. L’un de ces demi-frères lui dévoile l’identité de son père.

Mohammed, son père, est originaire de Nekmaria, un village algérien tristement célèbre pour les « enfumades » (NDLR : certains membres de l’armée française faisaient périr par asphyxie des villageois algériens parqués dans des grottes) de l’époque coloniale.

« Mon père a passé sa vie à nous chercher avec ma sœur. À l’approche de sa mort en 2012, il avait demandé à son frère de promettre de nous transmettre à ses filles le souhait qu’elles viennent lui demander pardon sur sa tombe, pour n’avoir pu réunir sa famille », détaille Nathalie.

Touchée par cette révélation, Nathalie décide d’honorer cette promesse. En 2022, elle se rend pour la première fois en Algérie et va se recueillir sur la tombe de son père.

Une double identité pleinement assumée

Ce voyage initiatique bouleverse Nathalie. « J’ai découvert un pays magnifique, une culture qui faisait partie de moi sans que je le sache. Aujourd’hui, je vais en Algérie quatre fois par an. Je suis fière d’être française et algérienne. Ces deux identités cohabitent en moi, et je veux en faire une richesse », clame-t-elle.

Ce lien, elle choisit de le célébrer en créant une association culturelle, « Marcelle & Mohammed », qui porte le nom de ces deux parents biologiques. « Mon objectif est de bâtir des ponts entre ces deux rives, entre la France et l’Algérie. J’organise des expositions, des rencontres artistiques et des échanges ».

Mais le chemin n’a pas été sans embûches. Nathalie raconte que l’annonce de ses origines algériennes n’a pas été accueillie sans préjugés. « Une amie m’a répondu déçue : ‘Pas toi !’ Comme si mes origines franco-algériennes remettaient en question ma place. Cela m’a ouvert les yeux sur des formes de racisme insidieux auxquelles je n’avais jamais été confrontée auparavant. »

Un nouveau départ et un message d’espoir

Aujourd’hui installée dans un village des Cévennes après vingt-cinq années passées à Marseille, Nathalie a radicalement changé de vie. Elle a quitté le monde de la communication pour se consacrer pleinement à la culture et à la transmission.

Nathalie Dunoir avec son fils Paul au consulat d’Algérie à Montpellier. Photo : DR

Ce parcours de reconquête identitaire a également marqué ses enfants, qui ont embrassé avec fierté leurs racines algériennes. « Paul, mon fils, a acheté un maillot de l’équipe algérienne de football dès notre retour d’Algérie. Marie, ma fille, m’a confié avec un sourire malicieux : « Regarde, mes cheveux commencent à boucler ! » ». Aujourd’hui, Marie est trésorière de l’association, tandis que Paul en assure le secrétariat.

À travers son parcours, Nathalie Dunoir témoigne d’une résilience exemplaire. « Depuis que je sais qui je suis, je suis plus heureuse. Retrouver mes origines m’a permis de me réconcilier avec moi-même et de transformer cette douleur en quelque chose de beau. Je mesure la chance que j’ai eue. Tout le monde n’a pas cette opportunité. »

Surtout, Nathalie Dunoir comprend mieux aujourd’hui les raisons qui ont poussé sa mère Marcelle à se séparer d’elle et de sa sœur. « Elle n’était pas en mesure de nous élever. Ça a dû être très dur pour elle de nous laisser partir ».

Pour Nathalie, obtenir la nationalité algérienne serait l’ultime reconnaissance : « Je veux ce passeport, pour moi, pour ma famille, pour honorer mes deux pays. Je suis fière de porter ces deux héritages. On ne me demandera jamais de choisir », promet-elle déterminée.