« Ernest Cole, photographe » et « No Other Land » : deux films à voir en salle, deux récits de résistance

 « Ernest Cole, photographe » et « No Other Land » : deux films à voir en salle, deux récits de résistance

Sur les écrans en ce moment, deux documentaires marquants nous offrent des récits poignants de résistance et d’humanité face à l’oppression : Ernest Cole, photographe de Raoul Peck, et No Other Land de Basel Adra et Yuval Abraham. Deux films qui, bien que séparés par des époques, des lieux et des contextes, partagent la même force évocatrice et leur quête de justice.

 

Ernest Cole, pionnier de la photographie en Afrique du Sud, capture dans ses images la brutalité de l’apartheid. À travers son livre House of Bondage, publié en 1967 et immédiatement interdit, il dévoile au monde les humiliations et les violences quotidiennes infligées aux populations noires. Ces images, souvent prises sur le vif, montrent une réalité brute, une souffrance collective que le régime tente de dissimuler.

De l’autre côté du monde, le Palestinien Basel Adra, avec les moyens simples d’un vidéaste amateur, filme la destruction systématique de son village, Masafer Yatta, en Cisjordanie occupée. Ses vidéos, comme les photos de Cole, capturent des moments marquants, ces gestes absurdes et cruels qui effacent une maison ou un puits, anéantissant des vies entières. Ces deux artistes documentent ce que les pouvoirs oppressifs tentent de faire disparaître : la preuve de leur violence.

 

Ernest Cole avait son appareil photo, une arme discrète mais puissante. Basel Adra, lui, utilise son téléphone et sa caméra pour documenter le quotidien kafkaïen des démolitions menées par l’armée israélienne. Tous deux mettent en lumière des injustices que beaucoup préfèrent ignorer, et transforment leur art en forme de résistance. Mais cette résistance a un prix : Cole, contraint à l’exil, sombrera dans la pauvreté, privé de son pays natal. Adra, malgré l’aide de son ami israélien Yuval Abraham, reste prisonnier des restrictions imposées aux Palestiniens.

Les deux films explorent également des récits à la croisée de l’individuel et du collectif. Ernest Cole, photographe montre la douleur personnelle d’un homme brisé par l’exil, tout en témoignant de la souffrance d’un peuple. No Other Land alterne entre la détresse des habitants de Masafer Yatta et une analyse plus froide de ce processus d’expulsion systématique. Les voix de Cole et d’Adra, chacune marquée par la douleur mais aussi par une dignité profonde, résonnent comme les échos lointains d’une même lutte pour la reconnaissance de leur humanité.

 

Les 60 000 négatifs d’Ernest Cole, aujourd’hui conservés en Suède, témoignent de l’ampleur de son œuvre et de la nécessité de la préserver. De même, les vidéos de Basel Adra, tournées dans l’urgence, deviennent un acte de transmission pour que l’histoire de Masafer Yatta ne soit pas oubliée. Ces œuvres, bien que très différentes, rappellent que l’art peut dépasser l’éphémère pour devenir un témoignage intemporel.

Avec Ernest Cole, photographe et No Other Land, le cinéma nous rappelle que le combat pour la justice et la dignité humaine ne connaît ni frontières ni époques. Ces deux films posent une question essentielle : comment continuer à voir, à documenter, à résister face à l’injustice ? Une invitation à ne jamais détourner les yeux.