Théâtre. Dans Esquif (à fleur d’eau), Anaïs Allais Benbouali conte les drames de la Méditerranée
Théâtre. Une salle pleine d’enfants et pourtant silencieuse. Concentrée. Esquif (à fleur d’eau), d’Anaïs Allais Benbouali, nous plonge dans l’urgence de l’exil, avec une approche simple mais profonde. La pièce donne une voix à la mer Méditerranée et au bateau de sauvetage Ocean Viking de SOS Méditerranée, et surtout, elle s’adresse aux jeunes.
Malgré la gravité des sujets, le spectacle les aborde avec beaucoup de sensibilité et de douceur, sans minimiser la réalité. C’est une manière très claire et poétique de rendre visibles des histoires trop souvent oubliées : celles des vies perdues en mer, souvent réduites à des chiffres. Ici, l’objectif n’est pas de choquer, mais de faire ressentir, de faire comprendre.
Ce qui frappe dans Esquif (à fleur d’eau), c’est comment Anaïs fait parler la mer. En lui donnant une voix, elle la transforme en un personnage à part entière. Ce n’est plus juste un décor, c’est le lien entre deux mondes : pour certains, un espoir, pour d’autres, un piège tragique. En lui donnant cette parole, pleine de contradictions, elle montre la mer comme à la fois un passage vers un avenir et une fosse commune pour ceux qui n’ont pas survécu.
Dans la pièce, on croise des personnages comme un ingénieur guinéen, une institutrice ghanéenne, ou une petite fille soudanaise… Ce ne sont pas juste des noms, ce sont des vies, des rêves, des espoirs. Chacun de ces personnages dépasse les chiffres et les statistiques. À travers eux, on se rappelle que derrière chaque nombre, il y a une histoire, une vie.
La musique, jouée par Amandine Dolé au violoncelle, est aussi un élément essentiel. Elle accompagne l’Ocean Viking, ce bateau qui sauve des vies en mer. Sa musique, intime et émotive, renforce cette relation entre le bateau et la mer, et aide à ressentir encore plus fort les émotions des personnages.
Un autre point important de Esquif (à fleur d’eau), c’est l’attention qu’Anaïs Allais Benbouali porte au public. Avant même de commencer, un « trigger warning » est annoncé, une attention rare et importante dans le théâtre. Cela montre que la metteuse en scène sait que ces histoires peuvent toucher profondément, surtout les jeunes. Elle veut s’assurer que tout le monde soit prêt à vivre cette expérience.
Les personnages comme Hawa, Adama, Sarah, Ibrahim, Yara et Maimouna prennent vie sur scène. Et à travers eux, ce sont des milliers d’autres vies qui s’expriment. Ce ne sont pas juste des statistiques, ce sont des êtres humains avec des rêves, des douleurs, des histoires. Et cette parole résonne bien au-delà du théâtre.
Esquif (à fleur d’eau) n’est pas juste une pièce, c’est un travail touchant et puissant. Anaïs Allais Benbouali aborde des sujets lourds avec délicatesse et respect, sans tomber dans le moralisme. Elle nous offre une œuvre profondément humaine, où la mer, la musique et les voix se mêlent pour nous inviter à réfléchir et à comprendre ensemble.
Après avoir rencontré un grand public au Théâtre de la Colline, le spectacle part en tournée à Marseille, Sartrouville et Angers, avec des actions de sensibilisation en partenariat avec SOS Méditerranée. L’Esquif est plus qu’un simple spectacle : c’est une expérience qui touche le cœur et l’esprit, et qui pousse à la réflexion collective.