Historique : Chute du régime baathiste en Syrie
Les rebelles menés par HTS ont annoncé dans la nuit de dimanche à lundi à la télévision publique syrienne la chute et la fuite du président Bachar al-Assad, ainsi que la libération de Damas, mettant fin à plus de cinq décennies de règne dynastique et sans partage de la famille Assad.
C’était finalement une affaire de quelques jours. Tel un château de cartes, le pouvoir de Bachar al-Assad s’est effondré ce dimanche en Syrie, face à l’offensive éclair fulgurante de groupes rebelles menés par des radicaux qui ont su rallier un peuple exsangue. L’opération met un terme à cinq décennies de dictature alaouite implacable, menée d’une main de fer, que l’on pensait indéboulonnable.
Au centre-ville de Damas, la capitale dont les rebelles ont annoncé « la libération », plusieurs dizaines de personnes ont renversé et piétiné des dizaines de statues du père de Bachar al-Assad, Hafedh, qui a dirigé la Syrie depuis 1971 jusqu’à sa mort en l’an 2000. À travers le pays, d’autres manifestants ont déboulonné les statues d’al-Assad, père et fils. Le leader de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), Abou Mohammed al-Joulani (Ahmed Charaâ de son vrai nom), est arrivé à Damas à la mi-journée.
Une Syrie nouvelle à reconstruire
A Homs, Deraa, Hama, Alep et Damas, les tirs d’armes à feu en signe de joie se mêlaient aux cris « d’Allah Akbar ! ». « On attendait ce jour depuis si longtemps », a déclaré Amer Batha, un résident de la capitale célébrant l’évènement. « Je n’arrive pas à croire que je suis en train de vivre cet instant », confesse-t-il en larmes : « C’est une nouvelle histoire qui commence pour la Syrie ». L’effondrement du régime ouvre en effet une ère d’incertitude en Syrie, morcelée par la guerre civile qui a fait au moins un demi-million de morts depuis 2011 et livrée à des groupes soutenus par différentes puissances étrangères.
À la télévision publique, les rebelles ont annoncé la chute du tyran Bachar al-Assad. Ils ont dit avoir libéré tous les prisonniers injustement détenus et appelé à sauvegarder les biens de l’État syrien libre. Les rebelles avaient annoncé plus tôt sur Telegram la fuite de Bachar al-Assad et de sa famille en Russie, et proclamé la ville de Damas libre.
Bachar al-Assad a dirigé d’une main de fer la Syrie pendant 24 ans, réprimant en 2011 dans le sang des manifestations pro démocratie qui se sont transformées en guerre civile, dans le sillage des révolutions arabes. Avant lui, son père, Hafedh al-Assad, avait lui aussi réprimé sans pitié ses opposants, notamment à Hamaa. Leur parti, le Baath, est au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle en Syrie, suite à un coup d’État militaire en 1963.
Pendant trois décennies, le pays se referme sur lui-même : l’opposition et la presse sont muselées, les manifestations bannies et l’état d’urgence décrété. En février 1982, le régime mate dans le sang une insurrection des Frères musulmans, dans le centre du pays. En raison d’un black-out médiatique, les estimations varient entre 10.000 et 40.0000 morts. En l’absence de toute opposition, le nom du candidat à la présidence est proposé par le parti, puis soumis à un référendum. Lors de chaque scrutin, Hafedh puis son fils Bachar al-Assad sont « élus » à plus de 90% des voix.
Silence de la Tunisie
Les révoltes arabes qui éclatent en Tunisie, en Égypte et en Libye, gagnent la Syrie en mars 2011 et remettent en cause l’hégémonie du parti Baath. Bachar al-Assad promet des réformes, tout en réprimant la révolte dans le sang. Mais le soulèvement dégénère en guerre civile, morcelant la Syrie. Les rebelles proclament ce dimanche « la fin de cette sombre page et le début d’une nouvelle ère pour la Syrie », après « 50 ans d’oppression sous le pouvoir du Baath, et 13 années de crimes, de tyrannie et de déplacements ».
Mais en Tunisie, d’où tout était parti en 2011, de l’eau a coulé sous les ponts depuis. L’actuel pouvoir a ainsi jusque récemment affiché son soutien décomplexé à Bachar al-Assad. Si les autorités tunisiennes se murent dans un silence gêné aujourd’hui, c’est que le ministère tunisien des Affaires étrangères avait publié le mercredi 4 décembre un communiqué qualifiant l’offensive des rebelles syriens de « terroriste », et réitérant son « entière solidarité avec la République Arabe Syrienne ».